Cette semaine, oui, on peut choisir. Au début, je me suis dit que j’allais parler de polisson. Notre secrétaire d’Etat qui passe dans une revue polissonne [1] fait parler. Et je ne parle pas des opposants politiques, je parle du terrain de l’ESS. Comme ce post sur un groupe ESS de linkedin, son rédacteur se posant la question de l’image renvoyée et de la cohérence avec les valeurs de l’ESS. Ce type de message, j’en ai croisé plusieurs. Mais je me suis dit que Mme Schiappa maîtrisait sa communication et qu’elle savait ce qu’elle faisait. Alors je me suis intéressé à un événement beaucoup plus ennuyeux. Impact France, transformation de l’ex MOUVes (Entrepreneurs sociaux) est en passe de changer de gouvernance. Les bruits qui courent serait que le DG de la MAIF, Pascale Demurger, aurait des envies d’en prendre la co-présidence. La belle et vénérable mutuelle, devenue entreprise à mission, s’affiche déjà depuis plusieurs années dans cette organisation voulant représenter la manière "moderne de faire de l’ESS", innovante, soucieuse du calcul de ses impacts et souhaitant décloisonner l’ESS pour tenter les hybridations, les collaborations avec l’économie capitaliste. Voire très capitaliste puisque Google est un des partenaires, parmi d’autres, de cette organisation. Autant on peut saluer les idées de dépoussiérage, et même de collaboration [2], autant on doit s’interroger sur l’effet de la lecture d’une organisation se disant appartenir à l’ESS avec de tels acteurs en son sein : Impact France va modifier sa gouvernance, semble-t-il, et faire entrer de nouveaux administrateurs comme Doctolib, Nature et découvertes ou KPMG. Et en sortir quelques uns. On pourrait se poser la question de savoir ce que les acteurs de l’ESS présents à Impact France sont venus faire dans cette galère ? Peut-être y croyaient-ils ? Soit. Mais dans ces cas là, il est temps de se poser et de réfléchir. Impact France avait malgré tout quelque chose que l’ESS institutionnalisée par la loi de 2014 n’a pas / plus, cette liberté d’entrée et sortie, sans qu’on demande un laisser-passer tamponné des bons cachets. On est intéressé, on entre, on adhère, on participe, telle que devrait être l’organisation de l’ESS. C’est la force de l’entrepreneuriat social, cette capacité à, peut-être, ne pas avoir peur de son ombre et à attirer des jeunes esprits remuants. Soyons iconoclastes et retrouvons l’envie de passer de l’autre côté de la table pour améliorer la société !
Sinon, cette semaine, l’ESS a réagi à la fin du conseil national de la refondation consacré à la fin de vie et la préparation de la future loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Les acteurs n’ont visiblement pas été enchantés des conclusions du CNR, mais les propositions pour la future loi commencent à sortir par les réseaux liés au grand âge. La FEHAP par exemple, qui avance 4 mesures phares, rappelle également 3 chiffres dont un qui fait froid dans le dos : le déficit croissant de +725% des EHPAD gérés par la FEHAP. Comment s’en sortir avec un tel déficit ?
Jeudi était une nouvelle journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites (Dois je continuer à l’appeler "projet" ? La parole est à vous !). Des coopératives, tout comme certaines associations, se sont clairement positionnées dans le débat. J’avais cité en son temps Enercoop avec une position très clairement affichée. La Manufacture coopérative a pris position également et a appelé à s’approprier ce temps de mobilisation pour organiser des rencontres autour de ces questions mobilisatrices sur les droits sociaux, argumentant assez justement que "l’autonomie de nos coopératives et notre propre autonomie dans le travail nous donnent des moyens. Nous partageons les valeurs et les combats des mouvements sociaux".
Quelque chose s’est passé avec ce mouvement social... L’unité syndicale tient bon, y compris pour quitter la table de la Première Ministre ensemble, et l’ESS se repolitise, exacerbant peut-être ce qui se cachait sous le tapis depuis plusieurs années : il y a des courants dans l’ESS, du plus radical au plus libéral ! Comme à son origine, issue des tensions entre socialisme, libéralisme et catholicisme sociale !
Jolie transition pour vous inviter à écouter une émission de France Culture sur les socialistes utopiques, ces "doux rêveurs" [3] du 19ième qui sont revenus en force avec les gilets jaunes et qui reviennent aussi très fort dans la volonté des citoyens à reprendre leur destin par des initiatives économiques et sociales pour modifier la société.
Messieurs Fourier, Saint Simon, Proudhon ou Godin n’ont jamais été aussi modernes alors ?
Bonne lecture,
Bonne fin de semaine
Guillaume
[1] Le terme est diplomate
[2] J’y crois peu, lisez ou relisez "Le nouvel esprit du capitalisme" de Luc Boltanski et Ève Chiapello, ou plus modestement, la revue de presse sur le mot "capitalisme" sur ce site
[3] Le terme "utopique" vient de Marx, qui qualifiait leur approche de cette façon