L’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République marque un tournant de la vie politique française à plus d’un titre. C’est en premier lieu la victoire d’une droite dure et décomplexée qui a réussi à diffuser dans la population, y compris dans certaines couches populaires, les idées propres à satisfaire avant tout les milieux financiers et les groupes sociaux les plus fortunés, et aussi à intégrer dans son projet les principaux thèmes de l’extrême droite. En développant une rhétorique identitaire à caractère xénophobe et nationaliste et en pratiquant un discours à double sens, elle a pris à
contre-pied toutes les forces se réclamant du mouvement social et citoyen : le slogan sur la « valeur travail » masque la destruction du droit du travail et de la protection sociale ; la rengaine « travailler plus pour gagner plus » dissimule l’aggravation criante des inégalités, la stagnation des salaires et l’envol des profits ; le martèlement sur la sécurité fait oublier la restriction des libertés ; l’incantation à la modernisation de la France ouvre la voie à son
alignement sur les dogmes néolibéraux.
Le second tour de l’élection présidentielle confirme aussi l’échec de toutes les gauches. Échec de la gauche traditionnelle qui n’a pas réussi à rendre crédible un projet de transformation sociale véritable, empêtrée qu’elle est dans des dilemmes terribles : accompagner la mutation du capitalisme visant à tout marchandiser ou bien en combattre la logique en lui mettant des bornes solides ; approfondir la dérive libérale de l’Europe ou bien engager celle-ci vers un objectif social et écologique. Échec également de la gauche
anti-libérale qui, dans une cacophonie désastreuse, a enterré la construction de l’unité qui avait permis la victoire contre le traité constitutionnel européen en 2005.
La situation devant laquelle le mouvement social et citoyen se trouve exige un examen approfondi des raisons pour lesquelles le néolibéralisme ne recule pas, mais se durcit, en dépit des résistances que lui opposent ceux qui refusent la dégradation des conditions
d’emploi, les délocalisations, la disparition progressive des services publics, la baisse de la fiscalité sur les plus riches, la dégradation écologique, la pénétration des OGM dans les campagnes, etc.
L’association Attac voit dans cette exigence de réflexion une nouvelle raison de poursuivre son travail d’éducation populaire pour que les citoyens puissent se réapproprier la politique, c’est-à-dire peser effectivement sur les décisions qui les concernent, bien au-delà des simples échéances électorales. A ce titre, les rendez-vous essentiels sont devant nous : la résorption du chômage appelle une répartition juste des richesses, sans laquelle il ne peut y avoir de base sociale populaire à la transformation sociale ; les services publics pour tous demandent des impôts progressifs sur tous les revenus ; des retraites équilibrées ont besoin, non de fonds de pension, mais de cotisations sociales progressant au rythme de la richesse produite ; l’écologie exige une régulation planétaire ; un monde vivable pour tous et en paix doit impérativement substituer la coopération à la concurrence dont sont surtout victimes les plus démunis dans les pays les plus pauvres ; la solidarité, la justice et la démocratie sont incompatibles avec les impératifs dictés par les capitaux circulant librement.
C’est autour de ces propositions que la résistance au néolibéralisme pourra être active, offensive et efficace. Attac prendra toute sa part à une telle dynamique qui aura du sens si elle devient celle des citoyens.