Avec l’augmentation du nombre de salariés, les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont désormais devenues un enjeu central pour l’identité de ce mouvement. En effet, les entreprises « ordinaires » à but lucratif se sont adaptées aux préoccupations de la société et entendent désormais, comme le dit l’article 1833 du Code civil révisé par la loi dite « PACTE »1) de 2019 : « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux » de leur activité. Certaines vont même jusqu’à définir leur « raison d’être » dans leurs statuts. Le temps où l’économiste Milton Friedman pouvait écrire que la seule responsabilité sociale de l’entreprise est de faire du profit relève clairement d’une autre configuration historique du capitalisme2). De fait, les frontières entre le périmètre des entreprises consacrées par la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et les entreprises capitalistes s’érodent dangereusement en dépit des dénégations des forces historiques de l’économie sociale3). Autrement dit, le temps où l’ESS se contentait d’invoquer ses valeurs fondatrices pour se différencier de l’économie de marché est révolu. Il lui faut désormais démontrer ses spécificités par les pratiques qu’elle organise. Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes de l’ESS que de se poser en alternative au tout marché quand, dans le même temps, la principale confédération patronale, l’union des employeurs de l’ESS, a apporté son soutien à toutes les réformes néolibérales du marché du travail : de la loi travail de 2016 à celle des retraites à point de 2020. Dans un contexte que certains qualifient de « guerre sociale »4), l’ESS aurait-elle fini par se rallier au camp du capital ?
L’orée de la décennie 2010 avait été marquée par la création du syndicat ASSO (plusieurs syndiqué(e)s font d’ailleurs partie des personnes rencontrées par Pascale Dominique Russo), désormais affilié à l’Union syndicale Solidaires, qui entendait dénoncer la spécificité des conditions de travail à l’oeuvre dans le secteur associatif5). La décennie 2020 s’ouvre avec la publication du livre rédigé par Pascale Dominique Russo.