A l’occasion de la dernière journée des
Assemblées Générales du Fonds Monétaire International (FMI) aujourd’hui
à Singapour, les Amis de la Terre dénoncent le manque total d’ambition
de la « réforme » du FMI, qui ne modifie en rien les déséquilibres
profonds de cette institution à bout de souffle. Critiqué de toutes
parts, le FMI traverse une triple crise, la plus grave de son histoire :
crise de légitimité, crise sur son rôle et crise budgétaire. Avec le
remboursement anticipé de ses plus grands pays débiteurs, le FMI devra
s’appliquer ses propres recettes d’austérité. Ce n’est que justice.
Le FMI ne s’est jamais remis de la crise asiatique de 1997, qu’il
n’avait pas prévue. Conséquence, Chine, Inde, Thaïlande et Philippines
minimisent leurs emprunts au FMI. En 1999, c’est l’Argentine, pays
modèle du FMI pendant des années, qui s’effrondre. Conséquence, Brésil
et Argentine décident de rembourser par anticipation la totalité de
leurs emprunts. Suit l’Indonésie, le 2ème plus grand débiteur du Fonds,
qui s’est engagée à tout payer d’ici 2007. Des Etats plus petits comme
le Ghana ou la Serbie ont fait des annonces identiques. Les prêts
octroyés par le FMI sont passés de 103 milliards $ en 2003 à ... 20
milliards $ en 2006, dont 60% pour la Turquie ... qui parle à son tour
de remboursement anticipé. C’est un boycott de fait. Les paiements en
charges et intérêts reçus par le FMI sont passés de 3,19 milliards $ en
2005 à 1,39 en 2006, et sont estimés à 635 millions en 2009, soit une
division par cinq en cinq ans.
Forcé de reconnaître cette crise sans précédent, le FMI accepte
finalement une « réforme ». Element principal : 4 pays émergents (Chine,
Mexique, Corée, Turquie) obtiennent une augmentation de leurs droits de
vote. Mais cela ne représente qu’1,8 % des droits de vote ! Selon Gordon
Brown, ministre de l’économie britannique, « c’est la plus grande
réforme du FMI en 61 ans ». L’administrateur français voit lui aussi
dans la réforme des « changements importants ». Mais l’Inde, le Brésil
ou l’Argentine ont voté contre. Le FMI est devenu plus que jamais un
jouet de pays riches refusant de remettre en cause l’équilibre interne
des pouvoirs vieux de plus d’un demi-siècle, et totalement inadapté au
monde d’aujourd’hui. Il y a quelques mois, le gouverneur de la Banque
d’Angleterre, Mervyn King, demandait : « A-t-on besoin d’un FMI ? ».
Sébastien Godinot des Amis de la Terre explique : « Un très grand nombre
d’ONG avaient fait des propositions de réforme significative du FMI. Les
résultats étant insignifiants, nous demanderons désormais aux pays
riches de ne plus financer le Fonds, et aux pays pauvres de ne plus y
emprunter. 62 ans de modèle unique libéral brutal, sans considération du
contexte social, politique et culturel local, cela suffit. »
Il ajoute : « La crise du FMI va s’aggraver. Le Fonds est célèbre pour
son orthodoxie ultralibérale intransigeante, que les pays riches
continuent à imposer aux pays pauvres alors qu’ils sont les premiers à
ne pas la respecter (double déficit abyssal américain, dette publique
française). Ces paradoxes sont aujourd’hui trop flagrants pour que les
pays du Sud continuent de les accepter. Nous demandons que le contrôle
des flux financiers internationaux s’inscrive dans le cadre des Nations
Unies, de manière transparente et démocratique, dans le respect des
droits humains, de la justice sociale et de l’environnement, ce que le
FMI a toujours refusé. »