En juillet dernier, l’Institut ISBL vous proposait une réflexion sur le périmètre de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) avec l’idée de clarifier les concepts, rappeler les fondamentaux juridiques qui distinguent les sociétés et les associations et comment les évolutions de la société contemporaine française ont finalement abouti à une loi définissant en 2014 des contours plus précis pour l’ESS. Cette loi a été conçue dans une logique inclusive afin d’encourager toutes les initiatives privées qui visent une finalité sociale ou sociétale. Mais dès lors qu’elle est venue s’inscrire dans un cadre juridique préexistant qui n’a pas fait évoluer la loi de 1901 ni le droit des sociétés (exception faite des art.1833 et 1835 du Code civil suite à la loi PACTE), elle n’a levé qu’une partie des ambiguïtés et des flous dans les frontières de l’ESS et surtout au sein même de l’ESS.
Une vision encore binaire
Ce qui, au fond, peut paraître le plus étonnant, c’est que malgré une hyper professionnalisation et une hyper spécialisation dans bien des domaines, le droit et la norme institutionnelle (de type INSEE par exemple) continuent de reposer sur une vision très binaire opposant le lucratif et le non lucratif, le marchand et le non marchand sans prendre en compte l’extrême diversité de la mosaïque humaine et par conséquent des motivations pour entreprendre. Conséquence : les associations qui veulent garder le droit à leurs subventions publiques, ne pas subir les impôts commerciaux ou visent une reconnaissance d’intérêt général sont condamnées à être tiraillées entre la nécessité d’aller chercher des ressources d’activités économiques face aux contraintes de l’environnement et l’impératif de ne pas perdre les droits qui leur sont octroyées en tant qu’organismes sans but lucratif.
Notre cadre de référence oppose encore un secteur public supposé incarner l’intérêt général et un secteur privé supposé lucratif car ne représentant pas l’intérêt général. La multitude d’organisations qui se situent entre les deux pôles sont sommées de se conformer au choix binaire entre activité lucrative et non lucrative. Or entre l’intérêt général et l’intérêt individuel particulier, les marges sont vastes et aussi diversifiées que le sont les humains et leurs projets personnels et collectifs. C’est cette grande diversité qui conduit nombre d’observateurs et de décideurs à nier la réalité de l’ESS : comment peut-on dire qu’une banque mutualiste et un groupement d’hypermarchés relèvent de la même logique à défendre qu’une association d’aide à domicile ou une ONG ?