La 30e Rencontre nationale du Crédit Coopératif, qui a réuni près de 800 personnes ce 6 octobre, a mis en tension
mimétisme et diversité des formes d’entreprendre, essence même de l’économie sociale et solidaire.
« Ces questions de biodiversité économique, de régulation par la norme, les banques les connaissent bien » a lancé Jean
Louis Bancel, président du Groupe Crédit Coopératif. « Notre objectif, avec cette Rencontre, est de vous proposer un
temps de réflexion, pour permettre à chacun de nourrir son action ». Il a pu conclure « La vitalité des débats me laissent
penser que nous avons atteint notre objectif ! ».
Pierre-Yves Gomez [1] a mis en évidence que nous sommes tous guidés, sur la scène économique, par une attitude
mimétique – moutonnière selon Nicole Notat. Selon Keynes « il vaut mieux avoir tort avec le marché que raison contre
lui » : sous-estimer le rôle du mimétisme, manquer de conscience de son emprise, c’est risquer de se tromper
tous ensemble ! Car le mimétisme peut pousser déraisonnablement tous les acteurs à se conduire de la même façon :
imiter ceux qui imitent, cela peut conduire à la panique ! Régulièrement, l’emballement mimétique conduit d’ailleurs à la
crise économique. Le rationnel n’étant pas forcément le raisonnable, réfléchir avant de savoir qui on décide d’imiter !
Premier sujet de méditation.
Deuxième sujet de méditation : celui qui veut diffuser un modèle doit inviter à l’imitation. Entreprises d’économie sociale,
entrepreneurs différents, qu’avons-nous envie de faire imiter par les autres ?
Troisième sujet de méditation : la bataille des normes est celle des avantages concurrentiels. François Ewald [2] a montré que
l’univers des normes, différent de l’univers mimétique, n’est pas un univers pacifique.
Chaque acteur cherche à dominer les
autres, imposer aux autres ce qui est lui favorable.
D’où deux questions pour l’économie sociale : n’est-elle pas, parfois, entrée dans des univers normés pour lesquels elle
n’était pas faite ? Lorsqu’elle se décide de rentrer dans un univers normé (banque, assurance, services,…), a-t-elle bien
conscience d’entrer dans une bataille infinie, indéfinie ?
Longtemps on a considéré que c’était le rôle de l’Etat de concevoir et imposer la norme, aujourd’hui on estime que c’est aux
acteurs eux mêmes de le faire. L’action individuelle ne peut suffire, seule l’action collective peut faire vraiment bouger les
systèmes existants, a souligné Nicole Notat [3]. Les salariés demandent d’ailleurs à être mobilisés sur autre chose que la
maximisation du profit.
Car la normalisation portée par des objectifs non concertés avec les personnes, comporte des risques lourds. Johann
Priou [4] a démontré le risque d’appauvrissement de la dynamique associative que génère une normalisation standardisée,
telle que l’extension aux associations médico-sociales de la procédure publique des appels à projets. Elle est lourde de
conséquences tant sur la qualité des services rendus que sur la richesse du lien social local. C’est l’illustration de la
contraction par la rationalisation budgétaire de l’auto-expression des besoins des populations.
Les Français attendent d’abord des valeurs d’usage, a souligné Chantal Chomel [5], pas une valeur capitalistique. Les
coopératives ont deux défis à relever, contradictoires en apparence : la proximité ET la mondialisation. Peuvent-elles jouer
sur tous les tableaux ? La démarche participative paye : une très grande coopérative, interpellée par ses adhérents sur une
activité de production de semences OGM, a organisé un référendum sur la poursuite de cette activité… qui a débouché sur
un « non », mais aussi sur la création d’une association de recherche dédiée.
Pour éviter le conformisme, il faut former des réformateurs, des « alter-managers ». « Montrer aux étudiants la diversité du
monde est une opération de salubrité, comme le fait de leur montrer les évolutions historiques des modèles d’entreprise » a
affirmé Eve Chiapello [6], co-créatrice de la formation Management Alter à HEC. « Il faut desserrer l’étau normatif qui domine
dans l’enseignement du management. Quels managers seront nos étudiants, l’avenir le dira, les enseignants travaillent
toujours pour l’après demain et les innovateurs savent qu’ils doivent se battre pour faire passer leurs idées ».
De l’aventure que représente le choix de la diversité dans les formes d’entreprendre, a témoigné Gérard Debrinay [7] ,
président de Algoé, société de conseil qui a 50 ans. « Si l’on prend les critères standards, nous ne devrions pas exister,
notre « potion magique », c’est l’engagement des collaborateurs ». Il le voit bien chez ses clients, la stratégie d’innovation
fait bien plus peur que la stratégie d’imitation. C’est pourquoi il faut « savoir mobiliser des forces contradictoires en tant que
consultant, ce qui est plus facile que si on le fait soi-même »
Francis Vercamer [8], lui, a découvert la galaxie économie sociale grâce à la mission qui lui a été confiée lors de la 29e Rencontre Nationale, un an avant, jour pour jour. Il a témoigné de la richesse qu’il a découverte dans ce secteur, avec ses
inévitables contradictions. Des nombreuses propositions de son rapport, il pense qu’en une année un tiers, les plus simples,
seront réalisées, qu’il faudra un peu plus pour un autre tiers. Les mesures restantes étant du long terme....
« La biodiversité, au fond, est le principe fondamental du capitalisme, c’est le principe fondamental d’une société de liberté
et de notre civilisation. L’économie sociale est née au moment de la révolution industrielle alors que naissait le capitalisme
moderne. Elle n’était pas en contradiction avec lui, elle en était un complément ». Henri Guaino [9], venu assurer la clôture de
cette matinée, a offert à une assemblée d’une rare attention un plaidoyer pour un capitalisme libéré de la déviance du
capitalisme financier. Il a illustré avec des lettres de Paul Claudel, ambassadeur de France à Washington lors de la crise de
29, la répétition des erreurs du capitalisme lorsqu’il « joue avec l’argent des autres ».
L’économie sociale, pour sa part, ne se vit pas comme une bulle d’air nécessaire à la bonne santé du capitalisme... Elle
porte un modèle qui n’est pas hégémonique mais répond à des attentes, à des besoins. L’économie sociale se doit de
prendre, reprendre, conscience de ce qu’elle porte, et qu’elle donne envie d’être imitée, qu’elle se rende imitable.
La remise des Prix nationaux et du Trophées de l’initiative en économie sociale de la Fondation du Crédit Coopératif en a
donné encore une fois des illustrations. Elle est chaque année l’occasion de mettre en valeur la diversité des actions que
portent des citoyens engagés. La preuve que celui qui veut peut, et qu’ensemble c’est possible.
Cette dynamique, c’est l’économie sociale.
[1] Pierre Yves Gomez : Professeur à l’EM Lyon
[2] François Ewald : Philosophe, professeur au CNAM, président du Conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique
[3] Nicole Notat : Présidente de Vigéo
[4] Johann Priou : directeur de l’Union régionale des oeuvres privées sanitaires et sociales (URIPSS)
[5] Chantal Chomel : directrice des affaires juridiques de Coop de France (coopération agricole)
[6] Eve Chiappello : co-fondatrice de la majeure Aternative management d’HEC
[7] Gérard Debrinay : président de Algoé
[8] Francis Vercamer : député, auteur du rapport « l’Economie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et pour l’emploi »
[9] Henri Guaino : conseiller spécial du Président de la République.
Bonjour, Y a-t-il une cérémonie pour décerner ces prix ? Comment sont-ils élus ? et surtout Peut-on y participer en tant que jeune entreprise ? En tout cas votre article est très intéressant, bravo pour la rédaction et le travail effectué !
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