Ce projet de directive est le premier texte européen qui entérine et
institutionnalise la détention et l’expulsion des étrangers. Sur le principe
l’existence même de ce texte est donc préoccupante. D’autant plus qu’il est
négocié alors que l’Union européenne développe des mécanismes juridiques
permettant de renvoyer de plus en plus de personnes ayant atteint les
territoires européens : signatures des accords de réadmission multilatéraux,
liste de pays tiers sur, développement de l’externalisation de l’asile...
Son contenu, tel qu’il a été proposé par la commission et qui risque d’être
largement déterioré après avoir été revu par les Etats membre est extrêment
inquiétant :
à la fois pour le système français pour lequel il risque d’entraîner une
très forte dégradation des normes et protections actuellement en vigueur
(rétention de 6 mois, interdiction du territoire européen, aucune protection
contre le renvoi de catégories vulnérables -mineurs, malades...-, pas de
recours systématiquement suspensif contre les mesure d’éloignement...)
parce que les normes européennes s’alignent sur le plus petit dénominateur
commun et quand on est dans le repressif, ça fait mal.
La demande d’amendement sur les mineurs ne saurait donc être interpreté
comme une approbation du reste du texte tel qu’il est négocié aujourd’hui.
Il est la réaffirmation d’un principe strict contre l’enfermement et l
éloignement des mineurs.
Aucun mineur ne peut être enfermé seulement parce qu’il est étranger. Ce
principe a été réitéré par de nombreuses instances internationales [1] qui
revendiquent l’admission immédiate sur le territoire des mineurs étrangers.
Dans le cadre des principes énoncés par le droit international, tels que la
notion « d’intérêt supérieur de l’enfant » et les principes de protection
[2], l’éloignement des mineurs étrangers est également prohibé.
Or la plupart des pays européens enferment et éloignent des mineurs
étrangers [3], qu’ils soient isolés ou avec leurs familles. Les législations
nationales qui autorisent ces pratiques, auxquelles pourtant ils existent de
nombreuses alternatives, ont de très graves conséquences qui sont
régulièrement dénoncées par les ONG et les professionnels de l’enfance.
Actuellement, les Etats membres de l’Union européenne élaborent une
directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les
États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour
irrégulier [4]. La proposition, en cours de discussion, prévoit la
possibilité d’enfermer et d’éloigner des mineurs étrangers.
Les Etats européens qui utilisent ces méthodes contraires à des principes
internationaux, qu’ils se sont pourtant engagés à respecter, ne sauraient
imposer leur légitimation par la réglementation communautaire.
Ainsi les organisations soussignées demandent que, si cette directive est
adoptée, elle le soit dans le respect des engagements internationaux
souscrits par l’ensemble des Etats membres de l’Union et qu’elle prohibe
strictement l’enfermement et l’éloignement des mineurs. Nous proposons les
amendements ci-dessous :
Proposition d’amendement
Article 5 - Relations familiales et intérêt supérieur de l’enfant
Lorsqu’ils transposent la présente directive, les Etats membres tiennent
dûment compte de la nature et de la solidité des relations familiales du
ressortissant d’un pays tiers, de la durée de son séjour dans l’Etat membre
et de l’existence de liens familiaux, culturels et sociaux avec son pays
d’origine.
Ajout : Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il est défini par la
Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant, les Etats membres
prévoient que les mineurs ne pourront faire l’objet d’aucune mesure
d’éloignement ni d’enfermement.
Article 8 - Report d’une décision d’éloignement d’un mineur ne pouvant être
remis à un membre de la famille
Suppression de l’article 8-2 c) [5].
(= Absence de garantie que le mineur non accompagné pourra être remis au
point de départ ou d’arrivée à un membre de la famille, à un représentant
équivalent, au tuteur du mineur ou à un fonctionnaire compétent du pays de
retour, à la suite d’une évaluation des conditions de rapatriement du mineur
)
Article 15 - Conditions de garde temporaire
Suppression de l’article 15-2 2ème alinéa [6]
(= Les États membres veillent à ce que les mineurs ne soient pas placés en
garde temporaire dans des établissements pénitentiaires ordinaires. Les
mineurs non accompagnés sont séparés des adultes sauf si cette séparation
est considérée comme contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.)
Ajout : Les mineurs non-accompagnés doivent être placés sous la protection
des services sociaux d’aide à l’enfance et en aucun cas détenus.