"Bilan d’un féminisme d’État", par Sylvie Tissot, Membre du Collectif École pour tous-tes contre les lois d’exclusion et du Collectif des Féministes pour l’Égalité
Après la période du backlash antiféministe, la cause des femmes, désormais revendiquée de l’extrême gauche jusqu’au palais de l’Élysée, est enfin devenue légitime dans la France des années 2000. Non sans ambiguïtés. L’hypocrisie des grandes déclarations, en particulier masculines, en faveur des femmes et l’instrumentalisation de la question féministe ont déjà été critiquées. Il convient aujourd’hui d’en faire le bilan.
À la différence de questions apparues peu avant dans l’espace public, comme le harcèlement sexuel ou la prostitution, la grande visibilité acquise par la violence faite aux femmes à partir des années 2002-2003 a comme particularité une forte intrication avec les questions raciales. Le débat s’est en effet focalisé, après la médiatisation de plusieurs faits divers en banlieue puis à l’occasion de l’affaire du voile, sur certaines populations et certains territoires : « arabes », « jeunes », « banlieues », et autres « mondes musulmans »… Le recadrage a été aussi abrupt que les catégories utilisées étaient floues, avec comme résultat l’idée, désormais consensuelle, que les femmes du monde musulman, plus que les autres, sont opprimées et aliénées, et que leurs congénères masculins, plus qu’ailleurs, sont violents et sexistes. Les cibles de toute action en faveur des femmes ont ainsi été clairement et étroitement circonscrites.