Le 4 septembre 2017, jour de la rentrée scolaire, certains enfants n’ont pas passé la même nuit que les autres en rentrant de l’école. Ils sont nombreux à avoir dormi dans la rue ou dans des abris de fortune, faute de places dans les structures d’hébergement d’urgence et d’accès aux logements sociaux. Dans la nuit du 4 au 5 septembre, 63% des moins de 18 ans concernés par une demande d’hébergement au numéro d’appel d’urgence 115, n’ont pas été hébergés, selon les résultats de l’enquête flash réalisée dans 40 départements, hors Paris. Et, cette nuit-là, seulement 42% des enfants de moins de 3 ans concernés par une demande d’hébergement ont pu dormir à l’abri, le plus souvent dans des situations précaires (à l’hôtel pour 67% d’entre eux). La situation est particulièrement frappante en Seine-Saint-Denis, où seuls 12% des mineurs en familles concernés par une demande au 115 le 4 septembre ont été hébergés, dont 6 enfants de moins de trois ans sur 37.
Actuellement trois millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté en France, soit un enfant sur cinq. À la veille de la présentation d’une stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants par le Président de la République, la Fédération des acteurs de la solidarité et l’UNICEF France alertent le gouvernement sur une situation indigne de la 6e puissance mondiale. Notre société laisse des familles entières dehors en situation d’extrême détresse, en présence d’un ou de plusieurs enfants, voire de nourrissons.
Ces situations se banalisent, les passants ne les regardent plus, pire, ne les voient plus tant ils deviennent invisibles dans l’espace public.
Faute de places disponibles et d’adaptation des structures d’hébergement principalement conçues pour l’accueil des personnes seules, les orientations des familles se font essentiellement à l’hôtel. Cette solution de mise à l’abri, censée être temporaire, devient peu à peu le lieu dans lequel l’enfant va grandir. La précarisation extrême des familles a bien évidemment des conséquences sur le développement de l’enfant, sa sécurité, son bien-être et
les conditions de vie à l’hôtel ne répondent en rien à ses besoins fondamentaux : alimentation équilibrée, soins, hygiène, intimité, proximité de l’école et du centre de loisirs, possibilité de faire ses devoirs dans le calme, d’inviter ses amis.
L’enquête Enfams de l’Observatoire du Samu social de Paris montrait d’ailleurs dès 2014 que 10,3% des enfants qui vivaient à l’hôtel (parmi 10 280 familles) n’étaient pas scolarisés.
Nous devons à tout prix offrir un environnement sécurisant à chaque enfant, pour qu’il puisse grandir avec ses parents dans un logement ou un hébergement digne, accéder aux soins et à l’éducation.
La Convention internationale des droits de l’enfant rappelle qu’un enfant a des droits et des besoins fondamentaux universels comme la sécurité, des besoins affectifs et relationnels, de protection, des besoins physiologiques et de santé. La situation sociale des familles doit pouvoir
être évaluée dès que possible dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Faute de places suffisamment adaptées, les acteurs de l’hébergement sont parfois contraints de séparer les familles. Nous souhaitons que soit clairement introduit dans la loi, à côté du principe d’inconditionnalité de l’accueil, un droit à l’unité familiale. Ce point est essentiel au bien-être de l’enfant, afin de ne pas ajouter la séparation à la violence de la précarité extrême.
Stabiliser la situation sociale des parents, leur assurer un statut lorsqu’ils sont étrangers, c’est penser à l’avenir de leurs enfants.
Il y a urgence.
Louis Gallois, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité
Jean-Marie Dru, Président de l’UNICEF France