Suite à l’interpellation des associations sur les risques de remise à la rue de milliers de sans-abri à partir du 31 mars, la ministre du Logement a annoncé mardi dernier la création ou pérennisation de 2 000 places hivernales, sur les 8 000 ouvertes cet hiver, en indiquant « qu’il ne doit y avoir aucune remise à la rue sans accompagnement et que tout doit être fait pour assurer la continuité de la prise en charge des personnes ».
Les associations de solidarité saluent cet engagement ministériel qui est une première étape positive vers la fin de la gestion « au thermomètre » de la grande exclusion que nous demandons depuis plusieurs années.
Cependant, l’angoisse pour les sans-abri perdure : à 5 jours de la fermeture annoncée des centres d’hébergement hivernaux, les associations ne savent toujours pas quelles seront les places ouvertes ou pérennisées, ni avec quel financement, et ce que vont devenir les personnes hébergées. Les places d’hébergement proposées doivent être dignes et inconditionnelles, et permettre aux personnes de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert, l’hygiène, d’une première évaluation et d’un accompagnement permettant de préparer une sortie vers les solutions plus durables. L’urgence doit rester temporaire.
La situation est particulièrement critique en Ile-de-France qui concentre le plus grand nombre de personnes sans abri. A ce jour sur Paris, 800 places sont menacées de fermeture d’ici la fin du mois de juin. A titre d’exemple, le fort de Nogent géré par la Fondation de l’Armée du salut, qui héberge et accompagne 120 personnes, doit fermer ses portes mardi prochain, à la demande du ministère de la Défense, sans que l’on soit assuré à ce jour que des solutions dignes soient mobilisées pour toutes les personnes.
La situation est également très tendue en Seine-Saint-Denis où 200 personnes sont menacées de remise à la rue, dans un département très déficitaire en centres d’hébergement ; ainsi que dans le Val-D’Oise.
Des immeubles et locaux vides sont utilisables à Paris et en première couronne et les associations sont prêtes à les gérer : nous demandons à l’Etat et aux collectivités locales de les mobiliser en urgence pour garantir la continuité de l’hébergement et de l’accompagnement social des personnes. Les équipes de veille sociale, épuisées, n’accepteront pas d’abandonner les personnes.
Au-delà, les associations demandent de relancer de manière structurelle l’effort de production de logement à coûts abordables et d’hébergement en lien avec les besoins réels évalués dans le cadre de diagnostics territoriaux. Une autre politique du logement est possible pour donner des perspectives aux milliers de personnes qui restent sans abri, et appellent continuellement les 115 sans obtenir de réponses sur les territoires.
Les 115 de Paris, Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise ne décrocheront pas leur téléphone ce jour. Les travailleurs sociaux et les écoutants ont décidé de stopper le travail durant plusieurs heures, pour protester contre la fermeture de places hivernales et l’absence de réponse positive à donner aux personnes sans abri, en ce 31 mars, synonyme de la fin de la trêve hivernale en France.
" Après les avoir accompagnées, écoutées, soutenues pendant des semaines, je vais devoir demander aux personnes de quitter le centre d’hébergement demain matin à huit heures… Elles vont à nouveau dormir dehors alors qu’elles commenà§aient à se reposer et à entamer des démarches de réinsertion. J’ai l’impression que tout notre travail a été inutile… ", explique un travailleur social qui a pris la difficile décision de faire grève.
Malgré les annonces positives de création et de pérennisation de 2 000 places la semaine dernière par le ministère du Logement, les associations sont face à une réalité imminente : elles n’ont pas assez de places à proposer aux personnes, et celles annoncées ne sont pas mobilisées à ce jour sur de nombreux territoires.
Et, plus inquiétant encore, aucune annonce officielle et précise de pérennisation de places n’a été faite aux associations en Ile-de-France alors qu’il s’agit du territoire franà§ais le plus en difficulté pour accueillir les personnes sans abri.
§ A Paris : 360 places sur les 780 mobilisées cet hiver ferment ce jour. 100 personnes seront remises à la rue sans autre perspective que de composer le 115. Un numéro d’urgence saturé, qui n’arrive d’ores et déjà pas à mettre à l’abri les 190 femmes et hommes seuls qui le contactent quotidiennement et les 150 à 200 personnes en familles dont les demandes restent non pourvues chaque jour.
En Seine-Saint-Denis : 55 personnes sont remises dehors sans solution ce jour, suite à la fermeture de 5 sites hivernaux. Elles viendront grossir la liste des 150 personnes qui restent sans réponses par manque de places sur une journée au 115. D’autres sites temporaires sont prolongés, pour quelques semaines pour certains et quelques mois pour d’autres. Leur devenir et les perspectives apportées aux 260 personnes qui y sont actuellement hébergées, reste une question ouverte.
Dans le Val d’Oise : 75 personnes isolées sont menacées de remise à la rue sèche suite aux fermetures de différentes structures. Elles viendront s’ajouter aux 200 personnes qui appellent chaque jour le 115, sans que des solutions ne puissent leur être proposées faute de places. Les associations s’inquiètent également des relogements des familles, alors que le nombre de places doit passer de 550 places à 350 en juin.
Les associations refusent la remise à la rue massive des sans-abri, et n’ont pas à faire le tri entre les populations les plus fragiles. Le temps presse, et les pouvoirs publics ne peuvent pas rester silencieux devant cette ultime alerte que constitue ce mouvement des professionnels investis dans leur travail auprès des plus démunis.