Cayon, filiale internationale du groupe Crédit Agricole, a confirmé la semaine dernière son implication dans l’usine géante et controversée de pâte à papier de Botnia, situé en
Uruguay sur la frontière argentine. Opposée au projet, une énorme majorité de la population locale bloque tous les accès entre l’Uruguay et l’Argentine, et le conflit diplomatique sans précédent lié au projet se poursuit. Les Amis de la Terre dénoncent la décision de Calyon, basée sur une expertise controversée qui nie les droits et la participation des populations locales. Le soutien du Crédit Agricole au projet remet
totalement en question les quelques engagements environnementaux et sociaux qu’il a pris dans les dernières années, notamment les Principes d’Equateur que le groupe a signés mais a jugés inapplicables dans le projet.
Calyon a confirmé la semaine dernière, lors d’une réunion avec les Amis de la Terre, son soutien à l’usine construite par l’entreprise finlandaise Botnia en Uruguay. Cette usine sera la plus grosse d’Amérique du Sud, produisant presque 2 millions de tonnes de pâte à papier d’eucalyptus par an. Calyon estime que le projet respecte les normes internationales pertinentes, sur la base d’une expertise interne qu’elle refuse de rendre publique. Elle ignore les deux rapports du médiateur de la Banque mondiale, qui concluent à la violation des normes de la Société Financière Internationale [1]. Calyon a également rejeté la plainte déposée en mai 2006 par neuf ONG dont les Amis de la Terre
pour violation des Principes d’Equateur [2], estimant qu’ils ne s’appliquaient pas car il ne s’agit pas d’un « financement de projet ». Pourtant, le groupe avait envisagé d’élargir progressivement leur champ d’application, et plusieurs banques internationales le font déjà.
Surtout, Calyon ignore l’opposition locale massive contre le projet : 120 000 personnes protestaient en avril 2006, créant la plus grande marche environnementale de l’histoire. L’opposition a encore augmenté le 12 janvier 2007 : pour la première fois depuis trois ans de conflit, la totalité des accès terrestres entre l’Uruguay et l’Argentine ont étaient
bloqués par les manifestants. Le blocage dure depuis le 19 novembre 2006, en pleine période estivale. En 2006, un précédent blocage de 45 jours avait occasionné 400 millions de dollars de pertes économiques pour l’Uruguay.
Le projet a dégénéré en un conflit diplomatique majeur entre l’Argentine et l’Uruguay, qui s’affrontent devant la Cour Internationale de Justice. Le conflit a atteint de telles proportions qu’il fait trembler le MERCOSUR. Plusieurs des quatorze plaintes liées au projet sont encore en cours, dont Calyon n’a pas jugé utile d’attendre le dénouement.
Sébastien Godinot des Amis de la Terre estime : « Alors que la banque néerlandaise ING avait abandonné le projet, nous sommes consternés que le Crédit Agricole s’engage. Cette décision remet en cause la crédibilité de ses engagements sociaux et environnementaux, notamment les Principes d’Equateur sur lesquels le groupe communique beaucoup mais qu’il n’a pas cherché à appliquer dans ce projet : à quoi servent-ils ? La profitabilité du projet passe avant les populations et l’environnement. Plusieurs engagements ont été pris dans le projet pour en limiter les risques, mais aucun mécanisme ne garantit leur mise en oeuvre ; nous ne savons toujours pas si certains auront valeur contractuelle ou s’ils resteront de simples promesses. Calyon sera
coresponsable du moindre problème dans le projet, que nous suivrons de près. »
[1] Voir
http://www.cedha.org.ar/en/initiatives/paper_pulp_mills/cao-final-audit-
report-eng.pdf
[2] Voir la plainte :
http://www.cedha.org.ar/en/initiatives/paper_pulp_mills/compliance-compl
aint-calyon.pdf