Laurent Joffrin a raison. Débattre de ce que signifie être français n’a rien de scandaleux. Mais débattre de « l’identité nationale » à l’initiative du gouvernement, est-ce la même chose ?
Le dictionnaire nous dit que le mot identité se définit par « ce qui fait la particularité…d’un groupe ». Synonyme : semblable. Antonyme : altérité. Réfléchir à ce qui fait que quelques dizaines de millions de personnes adhèrent, au-delà d’une simple définition géographique, à une communauté est d’une autre nature que de définir ce qui serait les traits d’une « identité nationale ». La première approche fait place à la singularité de chacun, aux histoires et aux appartenances multiples, individuelles et collectives. En deux mots, au changement et à la liberté. La seconde approche, c’est déjà imposer la solution : une définition à laquelle chacun doit se plier. Et il n’est pas neutre que ce soit un gouvernement et spécifiquement celui-ci qui lance, de cette manière, la controverse.
Lorsqu’un pouvoir, quelle que soit sa couleur, se mêle de vouloir définir l’âme d’une société, la méfiance doit être la règle. Si l’instance politique n’est pas étrangère, par principe, à ces débats, puisqu’elle porte une vision de la société, elle ne bénéficie d’aucune préséance et encore moins du pouvoir d’en tirer les conclusions. Tout au contraire, parce que ce qui nourrit ce débat relève de sphère multiples qui recouvrent tous les savoirs et toutes les strates sociales, parce qu’il n’est nul besoin qu’il s’en dégage une conclusion, parce que toutes les positions, même minoritaires, y ont leur place, le gouvernement, d’où qu’il vienne, est l’instance la moins légitime pour mener ce débat et, encore plus, pour le conclure. Et peu importe qu’il s’en dégage une (des) majorité(s) et une (des) minorité(s). Un tel examen ne saurait servir à dégager une doxa. A cela s’ajoute que venant de ce gouvernement, tout est à craindre.
On ne s’attardera pas sur la proximité des élections régionales ou sur les aboiements d’un Front National qui se définit de plus en plus comme le concurrent idéologique du président de la République, ce qui en dit long sur le déport de ce dernier. Jeux politiques détestables mais devenus récurrents. On peut, en revanche, s’attarder sur les fondements idéologiques d’une politique, dénuée d’éthique, qui va de la xénophobie d’Etat à l’injustice sociale, qui inscrit l’homme africain hors de l’histoire, ou qui fait de chaque fait divers le prétexte d’un peu plus de police et d’un peu moins de justice.
Sauf à se contenter du plus petit dénominateur commun que constituent la forme républicaine des institutions et le suffrage universel, fondement de la démocratie, les valeurs portées par ce gouvernement ne sont pas les miennes : bien plus qu’un débat faussé sur « l’identité nationale », nous avons besoin de mener la confrontation entre des valeurs qui ont, depuis presque toujours, partagé notre pays. A défaut, nous laisserions croire que tout se vaut.
Michel Tubiana
Président d’honneur de la LDH
Ce Débat est une urgence, à l’évidence ce n’est pas à ce gouvernement pas plus qu’à un autre d’y mettre son emprise ; mais reste l’énigme démocratique que constitue cette vacance d’autosaisine de ce sujet de société par la société civile. Alors qu’un despote éclairé, clignotant ou obscure s’en saisisse nous plonge dans la perplexité : y participer ou pas ? Chercher l’erreur ?
En cette année 2009, en ce novembre riche de télescopages :
Rencontres Solidaires ( Mois de l’ESS)
Fête de la Science
Semaine de la Solidarité Internationale
20 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant
et prémices de la Campagne électorale des Régionales,
le questionnement de l’identité nationale fermement attachée à " La richesse des Nations " et à la rengaine de " La relance " donnent de la matière pour un Débat National qui sortira des clous gouvernementaux sans trop d’efforts.
Cette initiative perturbatrice n’est en rien une garantie de gains politiques pour ses instigateurs et même une chance pour la France se regardant elle-même dans son étrangeté historique d’Etat-Nation porteur de " grandes valeurs" qu’il faudra bien sortir d’une gangue épaisse d’habitudes pas toutes brillantes.
Avec les Droits de l’enfant dans l’actualité un peu marginalisée ou instrumentalisée en commémoration et l’ " URGENCE ECONOMIQUE " que ce gouvernement et l’opposition instituée nous infligent nous avons un tableau clinique de l’information, de l’orientation, de la formation, de l’accés à l’emploi surprenant, si le débat n’esquive pas les jeunesses d’ici et d’ailleurs. Ce débat questionne frontalement notre éthique quant à la production de richesse, les conditions sociales et environnementales de production. Le développement durable qui n’ignore pas les interdépendances et les disparités économiques sur tous les continents jusque dans l’école de nos quartiers et campagnes fonctionne comme une alarme.
Dans les collèges et lycées et avec leurs "partenaires naturels " , les Chambres consulaires, les collectivités, les parents d’élèves et la vie associative et dans l’entre-deux l’Economie Sociale et Solidaire , la nécessité, la préparation et l’organisation des Forums des Métiers offrent un " paysage " à la hauteur du détournement d’attention.
Le probléme n’est pas l’identité nationale mais le marché et le travail-emploi-activité qui conditionnent la production de richesse et son non-partage en équité. Une étude comparative des conditions d’information et d’orientation professionnelle des jeunes illustre et nous éclaire sur cette " belle identité nationale" qui honore si peu la devise " Liberté, Egalité, Fraternité ". Le progrés humain serait-il une des composantes des finalités du Débat sur l’identité nationale ?
Reste donc a se saisir du "Grand débat sur l’identité nationale", la France productrice de richesse avec le codéveloppemlent étayé par l’Economie Sociale et Solidaire, une conception circulatoire des idées et des hommes avec un hexagone doté de ses territoires extra-marins, qui intérogent sérieusement les diverses relégations et clôtures émergentes ici et là .
Une économie plurielle soutenable pour tous étant le défi que ce débat soulève, une affaire de jeunesses au travail, avant, pendant et aprés la " vie active" . Le débat gagnerait à être intergénérationnel, les savoirs enjeu de la transformation sociétale étant transgénérationnels.
Si les adultes se dégonflent pour prendre la main dans cette opportunité de se penser présent au monde, il conforteront un étrange diagnostic décrit par le sociologue Jean-Pierre Boutinet ( Université Catholique de l’ouest - Angers - Université de Sherbrook au Québec " L’immaturité de la vie adulte ".
Les enfants et les jeunes gagneraient à trouver des adultes capables de les instituer ( les mettre debout) ce qui serait un gage de transmission-transformation de nos sociétés avec plus que le minimum syndical de solidarité et la réciprocité qui la conditionne.