Dans un monde qui a perdu, à supposer qu’il en ait jamais eues, tête et boussole, il semble volontiers acquis que le pire reste à venir : alimentation, climat, eau, économie, énergie, environnement, finance, géopolitique, … La formule a été employée récemment pour décrire l’agression russe en Ukraine, elle peut s’appliquer à bien d’autres champs.
Face au tumulte planétaire incessant et aux drames qui se nouent ici ou là, que pèse la disparition physique du Centre tunisien de Ressources de l’économie sociale et solidaire, le 17 février dernier, moins d’un an après son inauguration, après que la délégation de l’Union européenne a décidé de façon unilatérale d’annuler avant terme son financement d’amorçage ? Rien ou pas grand-chose. Et pourtant…
Aux artisans du pire, états guerriers, fanatismes religieux, spéculateurs et mercenaires de tout poil et de toute cause, l’ESS oppose l’une des rares réalités à ne jamais avoir eu de sang sur les mains et à avoir souvent, si souvent, réparé les méfaits des autres. L’ESS c’est l’économie de la démocratie, de la coopération, de la solidarité, autant de principes bafoués au quotidien dans le désordre international. C’est, in fine, l’économie de la Paix : il ne peut y avoir de guerre lorsque des règles du jeu claires, coopératives et respectueuses de la personne humaine sont appliquées par ceux-là même qui les ont définies librement.
Le dernier comité de pilotage de progRESS Tunisie, qui avait pour mission de superviser la mise en place du Centre, a exprimé le 15 février, avec courtoisie et fermeté, sa surprise quant à une décision jugée incompréhensible et gravement pénalisante pour le développement d’un écosystème performant de l’économie sociale et solidaire en Tunisie. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le pays, pour le continent et pour l’ESS en général, au moment précis où la Commission européenne annonce un plan ambitieux de promotion de l’Economie sociale et où commencent les préparatifs du Forum Mondial de Dakar en 2023. Si les tenants de cette décision, mûrie depuis l’inauguration même du Centre, restent opaques, ses aboutissants sont limpides : DarESS a fermé les portes de la rue de Touraine et a besoin du soutien de tous pour poursuivre sa mission dans un contexte toujours plus difficile, qui la rend toujours plus impérieuse.
« Sauvons DarESS ! » Nous lançons pour la première fois publiquement, après la fin prématurée de progRESS Tunisie en début de semaine, un appel à la mobilisation nationale et internationale pour que le Centre, aujourd’hui en économie de guerre (eh oui…), puisse relancer très vite ses activités. La Tunisie en a besoin, l’Afrique en a besoin, la Méditerranée en a besoin, la Planète ESS dans son ensemble en a besoin : faisons-le savoir et rendons-le possible. Ce sera l’un des axes forts du Printemps 2022 de l’Engagement Solidaire en Méditerranée, dont le programme sera dévoilé dans le courant de ce mois de mars.
Ce 3ème printemps de l’Engagement solidaire succèdera à celui de MedESS 2013, à Tunis précisément, et à celui de 2021, depuis Tunis encore, avec une programmation spéciale de près d’une vingtaine d’émissions entre mars et juin derniers sur « DarESS TV » pour accompagner le lancement du Centre. Ce PES Med22 débutera logiquement la semaine du 21 mars prochain et s’achèvera durant celle du 21 juin. Barcelone, Tunis, Strasbourg, Tanger, Bordeaux, Beyrouth devraient figurer au programme, d’autres villes, d’autres évènements aussi.
Nous avons plus que jamais besoin d’ESSpoir. Nous avons plus que jamais besoin d’engagement citoyen, seule réponse préventive à la violence d’Etat ou à celle des grandes corporations ou mouvances qui gangrènent notre planète. L’actualité est ailleurs ? Non, elle est ici et maintenant.
Tunis, le 5 mars 2022