Événement aussi inédit qu’imprévu, la crise sanitaire a interféré avec les projets de reconversion professionnelle des salariés. Qu’en est-il en particulier des ouvriers et des employés, notamment les catégories les moins qualifiées ? Dans le cadre de l’enquête Impact, les auteures ont réalisé une vingtaine d’entretiens, et mettent en lumière les effets de la crise selon le stade d’avancement des projets de reconversion. Entre renoncer et poursuivre coûte que coûte, ce Céreq Bref analyse comment les salariés ont pensé et conduit leur projet de reconversion professionnel au cours de cette période.
La reconversion : un processus à plusieurs dimensions
- La reconversion est un processus en plusieurs phases – phases de réflexion (latence), de formulation du projet et de prise de décision (délibération), et de mise en œuvre du changement (bifurcation).
- Elle est liée d’une part au parcours antérieur, à l’origine et aux facteurs déclencheurs du projet, aux objectifs professionnels et à leur degré de précision, aux risques à prendre, à la situation personnelle (notamment les conditions matérielles et relationnelles, le temps disponible).
La reconversion : 4 situations-types quant aux effets du contexte de crise
- Un frein au processus : ici, la crise a enrayé le processus de reconversion, et a conduit les salariés à mettre en doute leur projet, voire - en particulier pour ceux dont le projet était en phase de « latence » - à y renoncer.
- Un report du projet : La poursuite du processus est différée à une période plus propice à l’opérationnalisation du projet de reconversion et à sa mise en actes.
- Une opportunité de se lancer : Les temps de « pause » ont alors favorisé la phase de délibération (aiguiser le projet, prendre sa décision) et permettent d’enclencher celle de la bifurcation. Pour certains, ce temps libre dégagé sur le temps de travail a été un facilitateur d’accès à la formation.
- Un maintien du cap : Cette situation-type regroupe les personnes poursuivant pendant la crise une bifurcation déjà engagée auparavant.
Les auteures soulignent qu’en renforçant les situations d’incertitudes et de liens sociaux distendus, la crise sanitaire a rendu encore plus difficile la réalisation des projets de reconversion. La mobilisation des ressources nécessaires et notamment la formation a été rendue moins facile avec la crise. Les personnes mal informées ou isolées socialement ne perçoivent pas toujours la formation comme centrale et aucun des vingt salariés interrogés n’a déclaré avoir bénéficié des dispositifs FNE Formation ni en avoir été informé. Il conviendra de suivre la mise en place de l’accord-cadre interprofessionnel, signé le 15 octobre 2021 par les partenaires sociaux, qui place au centre des négociations à venir l’accès élargi aux dispositifs de reconversion et les incitations des entreprises à former leurs salariés.
Entre renoncer et se lancer : les projets de reconversion à l’épreuve de la crise
Alexandra d’Agostino, Catherine Galli, Ekaterina Melnik-Olive
Céreq Bref n°427, 2022, 4p.