Dans sa première version, ce texte1 visait à donner un aperçu de la nouvelle économie sociale qui s’appuie sur le cas du Québec, mais qui pourrait également être pertinent pour des collègues et des acteurs sociaux du reste du Canada. Nous sommes conscients que la notion d’économie sociale est inégalement utilisée dans les diverses régions du Canada, mais la littérature laisse bien supposer que la réalité qu’elle désigne y est par ailleurs plus largement répandue (Banting, 2000 ; Brown, 1997 et 2002 ; Chouinard et Fairbairn, 2002 ; Douglas, 1994 ; Fairbairn, 2002 ; Fontan et Shragge, 2000 ; Jetté, Vaillancourt et Lévesque, 2001 ; Lawson et Thériault, 1999 ; Leduc Browne et Landry, 1996 ; Leduc Browne, 1999 ; Lévesque et Mendell, 2000 ; Lévesque et Malo, 1992 ; Mac Leod, 1995 ; Quarter, 1992 ; Vaillancourt et Tremblay, 2001 ; Vaillancourt, Aubry, Kearney, Thériault et Tremblay, 2004 ; Watson, 1994). De plus, depuis une vingtaine d’années et dans la plupart des pays (sans doute avec des différences importantes entre le Nord et le Sud) (Defourny, Develtere et Fonteneau, 1999 ; Favreau, 2000), on peut observer une multitude d’initiatives de la société civile dans le domaine du développement économique et du développement social, très souvent avec l’aide ou le soutien de l’État (Brady, 2003 ; Comeau, Favreau, Lévesque et Mendell, 2000 ; Defourny et Monzon, 1992 ; Evers et Laville, 2004 ; Favreau et Lévesque, 1996 ; Laville, 1992 et 1994 ; Lévesque et Ninacs, 2000 ; Monzon et Barea, 1991). Ces initiatives et ces expérimentations socioéconomiques qui se veulent différentes aussi bien du secteur public que du secteur privé (d’où d’ailleurs le terme de third sector souvent utilisé comme équivalent dans le monde anglo-saxon), sont de plus en plus reconnues comme pouvant réussir là où ces deux secteurs ont échoué isolément ou même en tandem (Conseil économique du Canada, 1990 ; OCDE, 1999).
Le présent texte est divisé en deux sections. Dans une première, nous esquissons à grands traits un aperçu de l’économie sociale au Canada, en s’en tenant à ce que plusieurs appellent la nouvelle économie sociale qui s’est manifestée à partir des années 1970, mais surtout durant les années 1980. Dans une deuxième partie, nous donnons également un aperçu des définitions et approches utilisées par les chercheurs pour rendre compte de cette nouvelle réalité. Si les intervenants sont à la recherche d’une définition qui ferait consensus, les chercheurs ont proposé plusieurs définitions résultant de ce que Pierre Bourdieu appelait la construction de l’objet dont les contours varient en fonction des approches théoriques utilisées (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968). Dans le cas de la littérature comme dans celui des expérimentations, la synthèse que nous proposons a été élaborée à partir des recherches et interventions de deux chercheurs en liaison étroite avec les travaux de l’ARUC-ÉS et du CRISES dont ils sont membres. Il va de soi que les auteurs sont les seuls responsables pour les propos tenus dans ce texte.