Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications dévoile aujourd’hui une analyse approfondie des dynamiques de l’insertion professionnelle des jeunes sans diplôme en milieu rural. Intitulée "Petits boulots et grandes galères : Être jeune sans diplôme en milieu rural", cette étude de Clément Reversé, maître de conférences à l’Université Jean-Jaurès et chercheur associé au Céreq de Toulouse, met en lumière les défis auxquels sont confrontés ces jeunes dans un contexte de précarité accrue et de marché du travail instable.
Un paradoxe au cœur de l’insertion professionnelle
- Selon l’enquête Génération 2017, les jeunes ruraux qui sortent sans diplôme du système éducatif accèdent en moyenne plus rapidement à l’emploi que les jeunes urbains (11 mois versus 13 mois), et ont ensuite moins de chance de connaitre une trajectoire de chômage récurrent. En revanche, ils mettent trois mois de plus à trouver un CDI que les jeunes urbains non diplômés.
- C’est ce paradoxe de plus grande employabilité et de plus forte précarité que pointe Clément Reversé, à partir d’une centaine d’entretiens avec des jeunes ruraux non diplômés de la région Nouvelle Aquitaine.
Un contexte de précarité exacerbée
- Ces jeunes enquêtés, souvent exclus des parcours scolaires valorisés et dépourvus des diplômes nécessaires à une insertion stable, s’efforcent de maintenir un lien avec l’emploi.
- Ce lien les inscrit paradoxalement dans une spirale de précarité et de dépendance.
- Car ils se heurtent à des opportunités professionnelles limitées, marquées par la multiplication des contrats précaires et des "petits boulots".
- En effet, l’emploi rural peu qualifié accessible repose en grande partie sur des besoins ponctuels ou saisonniers, notamment dans les secteurs agricoles.
Le rejet de l’assistanat : une quête de dignité
- Pour ces jeunes, le travail constitue un enjeu identitaire majeur. Rejetant l’assistanat par crainte de la stigmatisation, ils préfèrent multiplier les "petits boulots" plutôt que de bénéficier des dispositifs sociaux tels que le RSA.
- Cette logique, bien que valorisante pour eux, les enferme dans un cycle de précarité, les employeurs pouvant parfois exploiter leur disponibilité et leur flexibilité.
- Au final, ce rejet de l’assistanat les cantonne dans un cercle vicieux où la précarité devient une organisation du quotidien. Ils acceptent des conditions de travail souvent dégradées, dans des secteurs où l’instabilité est la norme, par peur d’être assimilés à une figure sociale qu’ils rejettent.
L’étude appelle à une réflexion sur les mécanismes d’insertion et de formation, en particulier dans le cadre des politiques éducatives. Les politiques de raccrochage scolaire doivent être pensées à l’aune des besoins spécifiques des territoires ruraux : proximité géographique, prise en compte des aspirations locales, et développement de formations adaptées aux réalités économiques de ces espaces. C’est à travers ces dispositifs qu’il sera possible d’offrir à ces jeunes des alternatives viables à la précarité, et de répondre aux tensions identitaires qu’ils vivent.
Petits boulots et grandes galères. Être jeune sans diplôme en milieu rural
Clément Reversé
Céreq Bref n° 465, 2025, 4p.