L’APRIL (Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre) a déposé ce jour au Conseil d’État une requête en annulation contre le décret du 23 décembre 2006 « relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d’auteur et
aux droits voisins » (NOR : MCCA0600979D).
Contrairement à l’intitulé donné par le gouvernement, ce décret ne vise en effet nullement des atteintes au droit d’auteur ou aux droits voisins. Il rend par contre passible d’une contravention de 4ème classe des actes légitimes comme, par exemple, la lecture avec un logiciel libre d’un DVD acheté dans le commerce, ou de toute autre information contrôlée par une mesure technique.
L’APRIL soutient dans son recours que, ce faisant, ce décret contredit le droit communautaire, méconnaît la loi DADVSI, contrevient à plusieurs principes généraux du droit, et menace la sécurité juridique du Logiciel Libre, déjà mise à mal par les dispositions légales complexes et parfois contradictoires relatives à l’interopérabilité.
« Selon nous, en plus de s’écarter clairement de la directive, sans l’avoir notifié à la Commission européenne comme il aurait dû le faire, le gouvernement a commis une erreur de droit en ne tirant pas les conséquences de l’interprétation juste des rares dispositions claires de la loi DADVSI » déclare Christophe Espern, chargé de mission à l’APRIL.
Par exemple, le ministre de la culture a soutenu devant le parlement qu’il serait possible grâce à un alinéa de la loi DADVSI de distribuer des logiciels libres conçus dans le cadre de l’exception de décompilation pour interopérer avec des mesures techniques. Or le décret interdit la détention et l’utilisation de tels logiciels !
« Si le gouvernement croyait que ses effets de manche autour du pôle de compétitivité Logiciel Libre ou du Référentiel Général d’Interopérabilité feraient tomber dans l’oubli son ministre intermittent de la vérité et ce décret anti-logiciel libre, il se trompait lourdement. Comme nous l’avons déjà dit, nous attendons une politique publique cohérente et jugeons sur les actes, pas sur les annonces » déclare Benoît Sibaud, président de l’APRIL.
À titre subsidiaire, l’APRIL soutient de plus que le décret est entaché d’inconstitutionnalité puisque :
* soit il n’exclut pas clairement de la prohibition qu’il organise les logiciels libres indispensables à la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité et à l’usage licite, et méconnaît dès lors le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ;
* soit il vise ces logiciels et expose leurs utilisateurs à une contravention de quatrième classe, et méconnaît alors le principe constitutionnel de proportionnalité.
L’APRIL demande donc au Conseil d’État d’annuler ce décret.
Références
Décret 2006-1763 « relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d’auteur et aux droits voisins » : http://www.april.org/groupes/dadvsi/joe_20061230_0302_0118.pdf
Recours de l’APRIL déposé au Conseil d’État le 21 février : http://www.april.org/groupes/dadvsi/recours-decret-MCCA0600979D.pdf
Déclaration du ministre de la culture lors des débats parlementaires sur la loi DADVSI (séance précédant le vote final de la loi)
Assemblée nationale <http://www.assemblee-nationale.fr/1...>
« Le texte garantit pleinement l’avenir du logiciel libre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - je sais que vous y êtes attachés. La transposition de directive place la France dans un cadre européen harmonisé, mais nous avons utilisé toutes les souplesses possibles en faveur du logiciel libre. Le projet de loi clarifie la définition des
mesures techniques. Il [le projet de loi] préserve clairement l’exception de décompilation, qui est une alternative aux procédures engagées auprès de l´autorité pour obtenir les informations essentielles à l´interopérabilité »
Sénat <http://www.senat.fr/seances/s200606...>
« Le texte garantit pleinement l’avenir du logiciel libre. La transposition de directive place la France dans un cadre européen harmonisé, mais nous avons utilisé toutes les souplesses possibles en faveur du logiciel libre. Le projet de loi clarifie la définition des
mesures techniques, il préserve clairement l’exception de décompilation, qui est une alternative aux procédures engagées auprès de l’Autorité pour obtenir les informations essentielles à l’interopérabilité »
En matière de vérité intermittente, voir aussi la première et deuxième séances parlementaires du jeudi 9 mars 2006, où Renaud Donnedieu De Vabres a donné par sept fois l’assurance au parlement qu’il y aurait une seconde lecture en cas de différences importantes entre les deux chambres .... seconde lecture qui n’a jamais eu lieu, malgré des divergences fondamentales, notamment pointées par des membres de la majorité (Bernard Carayon et Alain Lambert) : http://assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060165.asp, http://assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060166.asp,
http://www.alain-lambert-blog.org/index.php?2006/05/17/481-dadvsi-pourquoi-pas-poursuivre-tranquillement-le-debat
Communiqué APRIL du 6/12/2006 - « Les acteurs du Logiciel Libre ont besoin d’une action gouvernementale cohérente » : http://april.org/articles/communiques/pr-20061206.html