Vente liée : Chatel l’opportuniste

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Vente liée : Chatel l'opportuniste

Le Secrétaire d’État à la Consommation, Luc Chatel, s’est de nouveau
parjuré. Pour la troisième fois depuis sa prise de fonctions au
gouvernement Fillon, il a nié le problème de la vente liée, dont il
s’était pourtant préoccupé alors qu’il était député. L’April dénonce
l’imposture.

La vente liée des ordinateurs et des logiciels préinstallés n’est pas
un problème nouveau. Et malgré l’émergence de nouvelles offres, tel
l’Eee-PC d’Asus livré avec un système GNU/Linux, le problème reste
entier : il n’est toujours pas possible d’acheter un ordinateur sans
acheter en même temps les logiciels préinstallés, ni de connaître le
prix desdits logiciels ou encore leurs licences d’utilisation [1]. Ces
pratiques constituent des infractions au code de la consommation. Luc
Chatel, député, s’en était inquiété [2] ; Chatel Luc, Secrétaire
d’État à la consommation, ne s’en soucie pas.

Après ses propos lors des débats sur le projet de loi Consommation en
novembre 2007 [3], puis la réponse à la question écrite du député
socialiste Philippe Tourtelier [4], Luc Chatel récidive à l’occasion
de la loi de modernisation de l’économie (LME). Mais cette fois il ne
se contente pas de nier que la vente liée des ordinateurs et des
logiciels préinstallés pose un problème. Il a rejeté un amendement de
Christian Paul et des députés SRC [5], prétextant que la vente
liée était déjà prohibée par le code de la consommation [6].

Or cet amendement visait à préciser la loi en imposant un affichage
individualisé des prix des éléments d’une même offre. « L’affichage des
prix fait partie des obligations du vendeur [7]. Mais dans le cas
des ordinateurs, on ne sait jamais combien coûtent logiciels. La plupart
des consommateurs pensent que le système d’exploitation Microsoft
Windows, qu’on les force à acheter avec tout nouvel ordinateur, est
gratuit. Or la version la moins chère coûte une centaine d’euros, »
explique Frédéric Couchet, délégué général de l’April.

« En rejetant cet amendement, Luc Chatel dénie au consommateur le droit
de connaître le prix de ce qu’il achète, » déclare Alix Cazenave,
chargée de mission à l’April. « Pourtant, c’est le coeur même de la
question écrite qu’il avait posée lorsqu’il était député. Il abandonne
le dossier de la vente liée comme celui l’action de groupe. À croire
qu’il a changé d’idées en changeant de fonction. »

L’April est consternée par cette prise de position qui n’augure rien
de bon. L’association de promotion et de défense du Logiciel Libre
prépare, avec l’AFUL [8] et le groupe Racketiciel [9], une réunion
convoquée par la Direction Générale de la Consommation, de la
Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) le 3 juillet
2008. Or la DGCCRF est sous la tutelle de Luc Chatel, qui considère
que la vente liée n’est pas un problème. « Nous saisirons pleinement
l’occasion d’avoir un dialogue constructif avec les professionnels ;
mais tout cela ressemble à une opération de diversion, » conclut
Jérémy Monnet, administrateur de l’April.

[1Communiqué April du 6 mars 2008 : Logiciels Libres dans les offres grand public : entre espoir et lassitude

[2Question écrite N°60590 (publiée au JO le 15/03/2005) de M. Chatel Luc (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Marne)

[3Le Secrétaire d’État Luc Chatel feint d’ignorer la vente liée

[4Question écrite n°9339 (publiée au JO le 06/11/2007) de M.
Tourtelier Philippe (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
- Ille-et-Vilaine)

[5Amendement n°999 de M. Christian Paul et les membres du groupe
Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

[6« M. Luc Chatel, secrétaire d’État - L’article L. 122-1 du code
de la consommation prohibe la vente liée de deux produits ou
services dès lors qu’il n’est pas possible de les acquérir
séparément sur le même lieu de vente. La jurisprudence a
parallèlement validé la pratique de la vente liée d’un ordinateur
et d’un système d’exploitation pré-installé, considérant que
disposer d’un appareil prêt à l’emploi était un avantage pour le
consommateur. Il n’est donc pas utile de modifier cet article du
code. » - Extrait du compte-rendu
analytique des débats du 11 juin (2ème séance) à l’Assemblée nationale

[7Article L.113-3 du code de la consommation : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit,
par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre
procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les
limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les
conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées
par arrêtés du ministre chargé de l’économie, après consultation
du Conseil national de la consommation. (...) »

[8Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels
Libres

[9Groupe de travail Racketiciel contre la vente liée

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