Le 13 juin dernier à Lille, Insite a renouvelé son partenariat avec les ROUMICS, les « Rencontres OUvertes du Multimédia et de l’Internet Citoyen et Solidaire » (www.roumics.com), organisées par l’Association Nord Internet Solidaire (ANIS). L’équipe d’Insite assistait à cette cinquième édition, consacrée au thème de l’ « Egalité Femmes/Hommes dans le secteur des TIC ». L’ occasion pour nous de réaffirmer notre engagement auprès d’ANIS et de débattre d’un sujet peu abordé, aux enjeux pourtant essentiels et toujours d’actualité.
Quels étaient les enjeux et objectifs de la ROUMICS ?
A l’heure où l’on parle d’égalité des sexes, aussi bien dans le monde professionnel que dans le monde éducatif, on observe une faible place des femmes dans les filières d’études et les formations TIC, et par conséquent dans les métiers du secteur Multimédia. Pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans les métiers du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ? Quels sont les obstacles ou les freins auxquels les femmes sont confrontées quand elles choisissent une carrière dans ces métiers ? Quels changements seraient nécessaires pour améliorer leur accès et leur position sur ce marché du travail ?
De la Maison Folie Moulins le matin à la Maison de l’Education Permanente l’après-midi, l’organisation de la ROUMICS a permis de répondre à ces interrogations, en abordant les différents facteurs qui peuvent expliquer les disparités liées au genre dans les professions des TIC, et en montrant en quoi la présence des femmes dans les métiers du multimédia présente un intérêt pour les femmes elles-mêmes et pour les employeurs.
L’étonnante évolution des études informatiques
De 1970 à 1980, la discipline est bien investie par les femmes, mais la présence des garçons se renforce fortement. Lorsque l’on observe l’évolution de la féminisation des écoles d’ingénieurs, on note une baisse de celle-ci dans les filières informatiques de 1985 (20% de femmes) à 1995 (10%). Un taux toujours aussi stable, plus de dix ans après.
Lors de la ROUMICS, une intervenante présente au public les résultats d’une récente enquête menée auprès d’étudiantes en 1ère année de Sciences. Nous découvrons alors que les freins réels rencontrés par les femmes ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. A la question « Si vous aviez la possibilité de devenir informaticienne, cela vous tenterait-il ? », elles sont plus de 60% à répondre qu’elles ne savent pas. Ce qui témoigne de la mauvaise connaissance des métiers du secteur des TIC chez les filles. Ensuite, à la question « Qu’est ce qui vous repousserait dans les métiers de l’informatique ? », 44% répondent qu’il s’agit de métiers répétitifs et 33% inanimés. Mais elles ne sont que 11% à répondre que ces métiers sont difficiles, alors que 17% des garçons interrogés le pense. Ce qui montre que les femmes se sentent tout aussi capables que les garçons, voire plus.
Egalité des chances ? Du côté de l’enseignement
Le déséquilibre femmes/hommes est profond... Dans les filières d’enseignement en Langues on dénombre plus de 75% de femmes. En Sciences politiques et en Droit, on retrouve une proportion supérieure à la moyenne avec 65% de filles. Là où le bas blesse, c’est quand on commence à parler des formations Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (STIC) : elles sont 15% en Ingénieur en STIC à l’université et moins de 8% en Institut Universitaire de Technologie (IUT). Finalement, la désaffection des filles existe pour tous les cursus scientifiques et technologiques, mais pas pour les filières d’information et de communication où l’on retrouve un peu plus de 50% de filles dans les filières TIC en IUT.
Les enjeux de la formation
En l’an 2000, la transformation des systèmes de gestion d’informations a provoqué une hausse des emplois dans le secteur des TIC. Une tendance qui se poursuivra pour les cinq à dix ans à venir d’après les intervenants présents lors de la ROUMICS. Pour attirer les filles vers ces métiers, des universités organisent des conférences durant lesquelles des femmes ingénieures du Multimédia (web designeuses par exemple) viennent partager leurs expériences. Ce type d’initiative suscite beaucoup d’intérêts chez les jeunes filles, car ces temps de rencontres et d’échanges permettent de découvir des métiers bien souvent méconnus, voire même de susciter quelques vocations...
Cependant, le secteur de l’enseignement a encore des efforts à fournir. Notamment, en ce qui concerne l’orientation des politiques de formation. En effet, on constate parfois une inadéquation entre les contenus de formation proposés et les besoins réels des entreprises du secteur des TIC. Mais ce constat n’est pas général puisque certaines écoles ou universités proposent des formations particulièrement adaptées : par exemple, les ingénieur(e)s sont formé(e)s sous Windows et Unix/Linux et utilisent autant les logiciels propriétaires que les logiciels libres. Sur le plan technique, les langages informatiques fondamentaux sont enseignés, et la trame de formation répond aux besoins des entreprises.
Freins et obstacles rencontrés par les femmes
Certaines hypothèses sont habituellement avancées pour expliquer l’inégalité femmes/hommes dans le secteur des TIC. Tout d’abord, on note des déséquilibres au niveau de l’éducation (les filles ont accès à l’ordinateur plus tard que les garçons, par exemple) ; et de la formation (si à l’heure actuelle tou(te)s les étudiant(e)s peuvent accéder aux mêmes filières, les filles et les garçons ne reçoivent pas une formation de manière identique).
On remarque également que certaines conditions de travail peuvent défavoriser les femmes : le travail par projets occasionne de nombreux imprévus, il peut y avoir de longues heures de travail, des problèmes de mobilité, de conciliation entre vie professionnelle et vie privée, etc. Pour les femmes, la mobilité reste un véritable problème et un frein à l’embauche. Seulement, dans les dix ans à venir, elle va commencer à s’estomper. Notamment, grâce au développement des centres de services. D’autres freins arrivent à expiration : l’inégalité salariale, la discrimination liée à la situation familiale, etc. Cependant, les carrières des femmes restent généralement un parcours d’obstacles. Leurs situations maritales les obligent le plus souvent à privilégier la stabilité de l’emploi. Le congé de maternité peut provoquer une interruption de carrière, ou pire encore leur faire manquer une opportunité d’évolution de carrière.
Les femmes du secteur des TIC
Reste encore à combattre les stéréotypes de l’image des métiers des TIC. De nouveaux métiers sont apparus et la moitié de ceux qui apparaîtront dans 25 ans ne sont pas encore connus. Il apparaît donc indispensable de construire une image des TIC qui favorise l’inclusion plutôt que l’exclusion des femmes.
Plusieurs témoignages apportés lors de la ROUMICS le prouvent : si à l’heure actuelle les femmes peuvent subir ponctuellement des remarques sexistes, et qu’elles ne disposent pas totalement de la confiance des hommes en matière de connaissances techniques, elles ne lésinent pas à faire leurs preuves une fois dans l’entreprise. Le bon comportement à adopter : miser sur leurs compétences et les valoriser au maximum.
Pour exercer une activité dans le secteur du Multimédia, il est nécessaire de faire preuve d’esprit d’équipe, d’être impliqué dans son travail et de posséder un bon niveau de grammaire et d’orthographe. Ce sont des métiers de contenus qui réclament un important travail de rédaction. D’autres connaissances sont fondamentales comme : la maîtrise des moteurs de recherche, le sens de l’initiative et de l’autonomie, etc. Autant de qualités dont font preuves également les femmes.
Le logiciel libre, une communauté ouverte aux femmes
Actuellement en France, les femmes utilisatrices de Linux représentent 6%. Elles ne sont plus que 1% dans le domaine du développement de logiciels libres, tandis que dans le domaine du développement de logiciels propriétaires elles représentent 28%. Comment expliquer cette différence ?
Si le développement des logiciels libres peut se faire en entreprise la journée, il arrive le plus souvent que ce travail soit à mener durant le temps libre et en bénévolat. Or il faut savoir qu’à temps plein, une femme a accès à une heure en moins à la formation professionnelle et possède une heure en moins de temps libre par semaine par rapport aux hommes. La femme a donc potentiellement moins de temps pour contribuer à la communauté du logiciel libre.
En outre, on observe des difficultés d’intégration des femmes dans la communauté. Les hommes ne font pas toujours confiance aux compétences techniques des femmes. Sur leur temps libre, les femmes doivent donc jouer sur deux tableaux en même temps : développer et prouver leurs compétences. Ce qui n’encourage que modérément leur participation.
Pourtant, l’intérêt de la présence féminine dans le domaine du libre n’est plus à démontrer. Et il existe un réel manque de main d’œuvre professionnelle compétente en informatique et en logiciel libre. De plus, le rééquilibrage du nombre de femmes dans un groupe contribue généralement à l’enrichissement mutuel de celui-ci.
Pour en savoir plus :
Le Programme de la ROUMICS « Egalité Femmes / Hommes dans le secteur des TIC » : www.roumics.com/rubrique.php3?id_rubrique=127
Le Compte-rendu de la ROUMICS « Egalité Femmes / Hommes dans le secteur des TIC » : www.roumics.com/rubrique.php3?id_rubrique=129
Le Réseau ADA : www.ada-online.org
Le blog de Mme Isabelle Collet : www.isabelle-collet.net
Le Projet européen WWW-ICT : www.ftu-namur.org/www-ict
L’Association Française des Femmes Ingénieurs : www.femmes-ingenieurs.org
Le Syntec : www.syntec.fr
L’Observatoire International des Métiers du Multimédia et de l’Internet : www.multimedia-observatory.org
LinuxChixFrance : www.linuxchixfrance.org
Egalité Mixité : www.egalite-mixite.com