Comme l’explicitait une précédente Lettre d’information Insite, les utilisateurs de logiciels libres sont de plus en plus nombreux, et les usages multiples.
Néanmoins, force est de constater que ces logiciels sont généralement employés sans en connaître les droits et les limites juridiques précises…
Des logiciels libres peuvent être modifiés librement, être installés plusieurs fois sur des ordinateurs différents, être copiés et distribués en toute liberté, le tout sans devoir payer de quelconques droits de licences. Mais dans ce contexte général, quelle est l’étendue des droits des utilisateurs ? Et les logiciels libres sont-il protégés par des droits d’auteurs ? C’est le sujet sur lequel nous allons nous attarder ce mois-ci…
Qu’est ce qu’un logiciel libre ?
Pour rappel, un logiciel libre est un programme informatique qui donne à toute personne qui en possède une copie, le droit de l’utiliser, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Ce droit est souvent octroyé par une licence libre.
L’utilisateur ne doit pas confondre le logiciel libre (free software) et le logiciel du domaine public, le second étant un logiciel dont la durée légale de protection (70 ans) a expiré ou dont l’auteur a renoncé aux droits d’exploitation. C’est l’exemple du logiciel PGP (Pretty Good Privacy).
Un logiciel libre est également à différencier d’un logiciel freeware (c’est-à-dire volontairement concédé à l’utilisateur, sans contrepartie - par exemple Internet Explorer) et d’un logiciel shareware (pour lequel une contribution financière, souvent modeste, est requise pour couvrir les frais de distribution ou, le cas échéant, de support technique).
D’un point de vue juridique, le logiciel libre se définit comme l’exercice du droit d’auteur dans une dynamique de partage. Un auteur donne la qualité de logiciel libre à sa création en le divulguant, sous forme binaire et source, selon les termes d’une licence qui octroie des droits à tout tiers. L’esprit de la licence libre est d’opérer une levée unilatérale d’interdiction selon des termes conformes aux traités internationaux et aux lois nationales afin de permettre à tout tiers l’utilisation, l’étude, la modification et la distribution de l’œuvre.
Les droits de l’utilisateur d’un logiciel libre
L’utilisateur d’un logiciel libre a les droits suivants :
Un droit d’utilisation implicite ;
Un droit de reproduction permanent ;
Un droit de traduction, d’adaptation, d’arrangement ou toute autre modification et la reproduction de l’œuvre en résultant ;
Un droit de mise sur le marché de l’œuvre à titre onéreux ou gratuit par tout procédé ;
Un droit à l’extraction de savoir-faire (ingénierie inverse, décompilation ou reverse engineering) non limité à des fins d’interopérabilité et portant sur la forme binaire et source.
Ces droits trouvent, pour la plupart, leur source dans l’article L 122-6 du Code de la Propriété Intellectuelle - CPI (www.celog.fr) et dans les licences d’exploitation.
Les droits de l’auteur d’un logiciel libre
Malgré tous ces droits reconnus aux utilisateurs, les logiciels libres sont soumis, comme tout logiciel déposé, au droit d’auteur. La licence couvre l’intégralité de l’œuvre et sa durée s’étend jusqu’à l’expiration des droits d’auteur sur l’œuvre (durant la vie de l’auteur jusqu’à 70 ans après son décès).
La particularité des logiciels libres est que l’auteur exerce son droit en distribuant le logiciel accompagné d’une licence libre qui énumère les droits concédés à l’utilisateur. Même s’il renonce ainsi à l’exclusivité de la plupart des droits que procure le droit d’auteur, il en conserve certains.
Il s’agit :
D’abord et avant tout de son droit moral sur l’œuvre (note de jurisprudence, article 121-7 du Code de la Propriété Intellectuelle - CPI (www.celog.fr) ;
Du droit de décider de la forme (libre ou propriétaire) de l’œuvre ;
Du droit de décider des conditions d’utilisation, de distribution de l’œuvre.
La majorité des auteurs de logiciel libre inclut dans la licence une condition qui impose que l’œuvre dérivée soit divulguée aux mêmes conditions. C’est ce que l’on appelle le copyleft.
Il faut donc retenir qu’une licence libre ne veut pas dire libre de droits. Libre ne signifie pas liberté de faire ce que l’on veut : une oeuvre diffusée sous licence libre est diffusée dans des conditions définies par une licence par son auteur. Le non-respect de la licence est une utilisation non autorisée et donc une contrefaçon.
Par ailleurs, la loi DADVSI du 1er août 2006 a renforcé la rigueur des dispositifs de sécurité que les auteurs mettent en place pour protéger leurs logiciels en reconnaissant comme infractions des actes qui étaient jusque-là posés en toute liberté de conscience. Ce qui amène de nombreuses personnes à s’inquiéter pour la liberté des développeurs et utilisateurs de logiciels libres qui (par une interprétation littérale du texte) seraient en infraction.
Sources :
www.commentcamarche.net/droits/copyright-auteur.php3.
http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/2006/03/06/2-dadvsi-drm-logiciel-libre-quelques-explications.
CYBERDROIT, Le droit à l’épreuve de l’Internet, 4ème édition, DALLOZ Christiane FERAL-SCHUHL, P 363.
Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).