Danone hier, Arcelor et Gaz de France cette année... La question du patriotisme économique et du contrôle des investissements étrangers est régulièrement présente dans le débat politique. Curieusement, les économistes se sont bien gardés d’intervenir.
Dans ce numéro, sept d’entre eux affichent leur position et réagissent à un texte de Keynes de 1933 favorable au patriotisme économique, d’une étonnante actualité.
De l’autosuffisance nationale par John Maynard Keynes
Le grand économiste britannique propose un long plaidoyer en faveur du patriotisme économique. Celui-ci doit permettre à l’Etat de limiter les contraintes liées à la libéralisation économique internationale, notamment celle des mouvements de capitaux, pour disposer des marges de manœuvre de politiques nationales permettant d’agir en faveur d’une « République sociale ».
Les risques de la mondialisation financière justifient-ils un patriotisme économique ? par Robert Boyer
Si la définition du rôle de l’économiste et les perspectives théoriques issues du texte de Keynes le séduisent, Robert Boyer, économiste, directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherches au CNRS-Cepremap, doute de la pertinence des analyses proposées pour bâtir une politique publique nationale en réponse à la mondialisation contemporaine.
Un message politique d’actualité par Roger Guesnerie
Roger Guesnerie, professeur au Collège de France, conteste l’idée avancée par Keynes selon laquelle la mondialisation contraint les politiques économiques nationales. Mais les échanges avec les pays émergents nourrissant les inégalités au Nord, il appelle à refuser la marche forcée vers toujours plus de libéralisation des échanges et souhaite un « mieux de commerce » fondé sur des « concessions » réciproques entre les pays.
Pour une mondialisation keynésienne par Pierre Jacquet
Saluant le rappel par Keynes que l’économie est toujours politique, l’auteur plaide pour une libéralisation continue et encadrée par des règles acceptées par le pays dominant et respectées par le plus grand nombre. Dans ce cadre, le nationalisme économique ne peut être fondé que sur des politiques d’attractivité du territoire.
Perspicacité et naïveté de Keynes par Patrick A. Messerlin
Soulignant que le protectionnisme n’est pas équivalent à un renforcement du pouvoir des Etats et que le libre-échange ne se résume pas au laisser-faire, Patrick Messerlin condamne toute forme d’entrave au commerce international.
Que reste-t-il de Keynes pour comprendre la mondialisation ? par Charles-Albert Michalet
Le patriotisme économique n’est pas utile pour répondre à la mondialisation contemporaine : l’autonomie de la politique monétaire est peu utile dans un monde où le lien entre taux d’intérêt national et investissement s’est relâché et où les délocalisations permettent des gains de compétitivité.
Keynes et le patriotisme économique à géométrie variable par Olivier Pastré
Une lecture de Keynes qui montre combien son patriotisme économique correspond, dans les sociétés démocratiques, au refus d’un internationalisme sans contrôle, afin de mieux soutenir les équilibres sociaux locaux.
Retour vers le futur : le protectionnisme est-il notre avenir ?
par Jacques Sapir
Un appel aux politiques protectionnistes face à l’absence de justifications économiques, politiques et morales au libre-échange.
Théories du nationalisme économique par Eric Boulanger
Une revue de la littérature sur le nationalisme économique. Surtout étudié par les économistes libéraux, il est plutôt présenté négativement. Après avoir été très en vogue chez les économistes (dont Keynes), les politistes et les historiens des années 1920 à 1940, l’étude du nationalisme s’est effacée durant la guerre froide, avant de connaître un renouveau ces dernières années.
Pour une action politique sur l’économie par Arnaud Montebourg
En écho étonnant de proximité au texte de Keynes, une prise de position en faveur du patriotisme économique, conçu comme l’ensemble des moyens permettant les conditions d’exercice de l’action publique nationale et démocratique dans une économie ouverte.
Lectures
« Emploi : éloge de la stabilité. L’Etat social contre la flexicurité », de Christophe Ramaux, éd. Mille et une nuits, 2006. Commenté par Denis Clerc.
« Le capital social. Performance, équité et réciprocité », sous la direction d’Antoine Bevort et Michel Lallement, coll. « Recherches », éd. La Découverte/Mauss, 2006. Commenté par Jean-Joseph Boillot.