Avant, il y avait les clochards. Manteau long éculé, chemise déchirée, chapeau volé à un épouvantail, litron de gros rouge à la main, ils appartenaient au folklore parisien au même titre que la Tour Eiffel.
Les touristes fréquentaient les ponts de Paris, juste le temps qu’il fallait pour voir "leur" clochard, prendre quelques photos et montrer aux amis qu’en vacances, ils n’hésitaient pas à s’encanailler. Du moment qu’on ne pouvait les reconnaître...

Aujourd’hui, il y a les sans abri. Les "sans domicile fixe". Ils ne sont plus une poignée mais une armée. Ils ne font plus sourire. Comme un cancer qui se développe sournoisement dans toutes les grandes villes, parce qu’on croit que la solitude est moins pénible au coeur de la multitude, les sans abri sont devenus un fait de société. Grave. Terrible.
Parce que ces sans abri ne sont pas de vieux ivrognes, des malades du troisième âge, des paresseux. Parce qu’ils sont jeunes, valides, et qu’ils ont peut-être tout pour être ambitieux. Les sans abri sont une cohorte de laissés pour compte ballottés par un confort avorté , engloutis dans une vague de misère, rejetés par un système qui ne veut plus s’embarasser de ceux qui ne peuvent plus ramer en rythme. La spirale chômage - endettement - saisies - maladie les a aspirés souvent très vite , les a avalés, déchiquetés , lobotomisés.