Nous, diététiciens, nutritionnistes, professionnels œuvrant pour la restauration collective, diabétiques, parents d’élèves et consommateurs, souhaitons vous faire part de nos fortes préoccupations concernant le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative, remis par Jean-Claude BOULARD et Alain LAMBERT le 27 mars dernier, et ses suites, plus particulièrement quant à la préconisation d’abroger le décret et l’arrêté du 30 septembre 2011 définissant l’équilibre nutritionnel en restauration scolaire. Cinq raisons militent pour le maintien impératif de ce texte :
Le volontariat inefficace en matière de nutrition : entre 1996 et 2011, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté sur les cantines, pas moins de cinq études ont démontré l’échec des lignes directrices et spécifications techniques, tant que celles-ci restaient volontaires. La dernière de ces enquêtes réalisée par l’Afssa (Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments) l’a à nouveau confirmé, en révélant que, de l’aveu même des professionnels de la restauration scolaire et des élus, c’est l’absence d’obligation réglementaire qui expliquait en grande partie cet échec.
L’arrêté de 2011, outil indispensable de mise en œuvre et de contrôle : la récente enquête de l’UFC-Que Choisir démontre que l’arrêté, notamment grâce aux critères de fréquence, constitue pour les collectivités et l’administration, un outil simple et concret de mise en œuvre et de contrôle de la Loi. Ainsi, sur les 12 communes qui avaient reçu l’appréciation « médiocre » ou « mauvais » en 2005 lors de la précédente enquête, 11 d’entre elles ont réalisé une progression spectaculaire en obtenant une note moyenne de 15,5 ! Remplacer ce texte par une disposition très générale, tenant en seulement quelques lignes, reviendrait à priver les collectivités non seulement de cet outil de mise en œuvre, mais aussi des moyens de contrôle des sociétés délégataires dans le cas d’une gestion concédée. En outre, cela constituerait un désaveu de l’élan impulsé par la Loi au niveau des collectivités, et autoriserait une concurrence déloyale vis-à-vis des professionnels de la restauration qui se sont engagés à respecter l’application du GEMRCN dans son intégralité, ainsi que des industriels qui ont investi dans l’amélioration de la qualité nutritionnelle de leurs produits.
L’équilibre nutritionnel instauré sans surcoût : contrairement aux idées reçues, la mise en œuvre de l’équilibre nutritionnel ne se traduit pas par un surcoût à la charge des collectivités ou des parents. En effet, les causes des non conformités tiennent moins à un déficit de financement qu’à une méconnaissance des critères nutritionnels. Quant aux éventuels surcoûts dus aux matières premières, les travaux de l’INSERM [1] ont démontré qu’ils ne dépassent pas 1 % du coût global des repas et qu’ils peuvent encore être limités en respectant les grammages recommandés, contribuant ainsi à la réduction du gaspillage alimentaire, grande cause nationale et internationale en 2013.
Une concertation de longue date avec les collectivités : alors qu’on laisse entendre que les collectivités seraient soumises à une obligation aussi soudaine qu’arbitraire, il est important de rappeler que le texte actuellement sur la sellette, est le fruit de longues concertations avec les représentants des communes, des départements et des régions. Ceux-ci ont en effet été associés dès 2008 à la genèse de l’arrêté, dans le cadre des groupes de travail sous l’égide des Ministères de la Santé et de l’Alimentation. En outre, les préoccupations exprimées en 2011 par la Commission Consultative d’Evaluation des Normes, identiques aux attentes des rédacteurs du rapport BOULARD–LAMBERT, ont déjà été prises en compte sous la forme d’une réécriture de l’arrêté et du décret, afin de les simplifier et d’en améliorer la compréhension.
Une vraie mesure de santé publique : le surpoids et l’obésité touchent 18 % des enfants en France. Quant au diabète de type 2, il atteint désormais les adolescents dans des proportions en augmentation constante et peut-être bientôt les enfants. Ces maladies pouvant déboucher sur des pathologies lourdes à l’âge adulte, il serait dramatique de renoncer à l’outil de prévention que constitue la restauration scolaire. Alors que celle-ci reçoit plus de trois quart des élèves du primaire et deux tiers des élèves du secondaire, et que sa fréquentation est encore en augmentation, elle constitue non seulement un passage obligé de l’équilibre nutritionnel, mais une véritable mission de service public. C’est pourquoi, les valeurs portées par les artisans de cette loi ont toujours été de maintenir un service public de proximité, seul à même d’accompagner la transmission de bonnes habitudes alimentaires, y compris au niveau des petites collectivités qui bénéficient désormais de l’aide apportée par les directions régionales de l’alimentation et le CNFPT en vue de s’approprier ces nouvelles exigences.
Alors que les Ministres de l’Alimentation, de la Santé et de l’Economie, réaffirment leur volonté de garantir l’accès à une nourriture sûre, saine, diversifiée et équilibrée pour tous, nous sommes persuadés que vous saurez donner la priorité aux impératifs de santé, d’éducation, de professionnalisme et d’exemplarité du modèle français.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de notre plus haute considération.
Gérard RAYMOND
Président de l’AFD
Association Française des Diabétiques
Christophe HEBERT
Président de l’AGORES
Association Nationale des Directeurs de la Restauration Municipale
Caroline SALIOU
Présidente de l’APEL
Association Parents d’Elèves de l’enseignement Libre
Danièle COLIN
Présidente du CENA
Club Experts Nutrition et Alimentation
Jean-Jacques HAZAN
Président de la FCPE
Fédération des Conseils de Parents d’Elèves
Valérie MARTY
Présidente de la PEEP
Fédération des Parents d’Elèves de l’Enseignement Public
Alain BAZOT
Président de l’UFC-Que Choisir
Union Fédérale des Consommateurs
[1] « Suivi des recommandations du GEMRCN pour la restauration collective : quel impact sur le coût des repas dans les écoles primaires ? » - Nicole Darmon, Laëtitia Allegre, Florent Vieux, Lionel Mandon, Laurent Ciantar - février 2010