Apprendre, pas si simple !

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Apprendre, pas si simple !

Cette année scolaire inaugure les nouveaux programmes de l’école
primaire voulus par le ministre de l’Education nationale et la suppression
des cours du samedi matin décidée par le Président de la République.
Sur ces deux aspects, l’avis de la communauté éducative, les apports de la
recherche et l’intérêt des élèves ont été fort peu pris en compte. C’est
d’autant plus regrettable que le ministre, alerté par les résultats
prétendument catastrophiques des écoliers français aux évaluations
internationales, entend « redresser la barre » par ces nouveaux programmes.

- LES ORGANISATIONS SIGNATAIRES

  • AFEF (Association Française des Enseignants de Français)
  • AGEEM (Association Générale des Ecoles et classes Maternelles Publiques)
  • AIRDF (Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français)
  • CEMEA (Centres d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active)
  • CRAP-Cahiers Pédagogiques (Cercle de Recherche et d’Action Pédagogiques
  • ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne)
  • FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Elèves)
  • FGPEP (Fédération Générale des Pupilles de l’Ecole Publique)
  • FOEVEN (Fédération des Oeuvres Educatives et de Vacances de l’Education Nationale)
  • FRANCAS (Francs et Franches Camarades)
  • GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle) -* JPA (Jeunesse au Plein Air)
  • Ligue de L’Enseignement
  • OCCE (Office Centrale de Coopération à l’Ecole)
  • SE-UNSA (Syndicat des Enseignants)
  • SGEN-CFDT (Syndicat Général de l’Education Nationale)
  • SNUipp-FSU (Syndicat National Unitaire des Instituteurs et Professeurs des Ecoles)
  • SI.EN-UNSA Education (Syndicat de l’Inspection de l’Education Nationale)
  • SNPI-FSU (Syndicat national des Personnels d’Inspection)

- Qu’en est-il réellement ?

Premièrement, le constat de départ est contestable.
N’en déplaise au ministre, les évaluations internationales ne placent pas les élèves
français dans les profondeurs du classement mais dans la moyenne des pays européens.
Quant au pourcentage d’adultes illettrés, il est, selon l’INSEE, en baisse
constante depuis 40 ans. L’idée selon laquelle le « niveau » baisserait
dangereusement ne résiste donc pas à un examen attentif.
Pour autant, certains élèves ne maîtrisent pas suffisamment l’écrit et l’ensemble des
connaissances requises pour devenir des adultes, autonomes, responsables et critiques
qui pourront s’intégrer socialement et acquérir une qualification. Soucieux de
la qualité de leur enseignement et de la réussite de tous, les enseignants s’attachent
jour après jour à faire progresser chaque élève à son rythme pour l’amener à
surmonter les difficultés quand elles surviennent.

Deuxièmement, le ministre prétend renforcer le volume horaire dévolu à
l’enseignement du français et des maths. Or, il n’en est rien : ces volumes seront
maintenus, rien de plus, tandis que la part consacrée aux autres domaines sera
amputée de 2 h par semaine.

Enfin, le ministre affiche sa satisfaction d’avoir rédigé des programmes courts.
Au risque de gâter son plaisir, nous affirmons qu’ils sont plus lourds que les précédents.
La valeur d’un programme ne se mesure pas à son nombre de pages mais plutôt
aux pistes qu’il trace pour favoriser la réussite de tous les élèves. C’est bien là
que le bât blesse ! Ces programmes ne prennent pas en compte le développement
des enfants, ils n’appellent ni à la réflexion ni à la compréhension pourtant
indispensables pour construire des apprentissages durables.
Professionnels et déterminés, les enseignants s’appuieront sur leur expérience,
sur les résultats de la recherche pour mettre en oeuvre une pédagogie efficace au
service de la réussite de leurs élèves. L’objet de ce document élaboré par vingt organisations
représentant l’ensemble de la communauté éducative a pour objet de délivrer
une information claire sur la réforme en cours. En effet, un climat de confiance
entre les familles et l’école est fondamental
pour la réussite des enfants.

- Avait-on perdu les fondamentaux ?

Lire, écrire, compter, qui a jamais imaginé que l’école avait
renoncé à ces fondamentaux ? Certainement pas les enseignants.
Sous prétexte de restaurer les fondamentaux, il s’agit en fait de
mémoriser des apprentissages morcelés, sans liens entre eux, sans
progressivité dans la compréhension des notions étudiées. Si la
lecture, l’écriture et le calcul sont fondamentaux c’est parce qu’ils
sont les outils de la connaissance et personne n’a jamais maîtrisé
un outil sans l’utiliser. On n’apprend pas à tenir une truelle sans
monter de murs, on n’apprend pas à faire du vélo sans rouler !
S’engager dans les apprentissages demande des efforts dont tous ne
perçoivent pas spontanément la nécessité. Ceux qui ne sont pas
familiarisés avec l’abstraction, avec l’univers de l’écrit, doivent
apprendre à percevoir l’intérêt de consentir à cet effort. C’est possible
par la diversité des usages de la langue et des mathématiques.
C’est là un moyen de conduire le plus grand nombre d’entre eux à
la réussite, défi majeur de l’école d’aujourd’hui.

- La lecture c’est pas automatique !

Savoir lire et écrire ne se réduit pas à
la maîtrise des correspondances entre
les lettres et les sons. C’est pour cela
que les enseignants font aussi acquérir
à leurs élèves des connaissances leur
permettant de comprendre le sens des
phrases et des textes, de développer
leur vocabulaire et de produire euxmêmes
des écrits. Pour ce faire, ils
multiplient les activités de lectures, de
manipulations, d’observations et de
production. S’agissant de la grammaire,
s’ il convient de connaître un
nombre limité de règles cela ne suffit
pas. C’est la compréhension de ces
règles qui permettra les automatisations
nécessaires installées progressivement
grâce à des activités d’écriture
et de lecture variées propres également
à susciter l’envie de lire et
d’écrire.

- Quand la morale remplace l’éducation civique.

Que veut-on ? Des élèves bardés d’interdits
et inquiets des sanctions, ou
des élèves désireux de vivre ensemble
et de s’approprier les règles indispensables
au respect mutuel ?

Les programmes choisissent la première
solution au travers de « l’instruction
civique et morale », vérité
révélée et descendante qui fonctionne
sur le mode de la norme et de la
menace et donc génère la révolte et le
conflit.

Comme s’il suffisait de lire un proverbe
écrit au tableau, d’apprendre
par coeur une chanson, d’écouter des
leçons de morale pour devenir un
citoyen à part entière ?

A cet archaïsme, on préférera l’éducation
civique qui se fonde sur le vécu
dans et autour de la classe, pour
construire des règles de vie porteuses
de valeurs : respect, solidarité... qu’il
sera d’autant plus possible d’étendre à
la vie en société qu’elles auront été
acquises par la pratique.

- Comment les enfants apprennent-ils ?

Apprendre ne se décrète pas. C’est, en
réalité, le résultat d’un processus long
et complexe qui procède par étapes.
Se limiter aux seuls fondamentaux du
lire-écrire-compter ne correspond plus
aux exigences du monde moderne.
L’ouverture à la langue française, aux
mathématiques est un vaste programme
qui ne se réduit pas aux seules
transmissions de techniques opératoires
et mécaniques. Les activités
artistiques, culturelles et physiques
contribuent aussi à la réussite scolaire
et à l’épanouissement. Le savoir se
construit, se désire ou répond à un
besoin, et ne se résume pas au
stockage de connaissances.
Pour ce faire, des situations d’apprentissages
sont proposées par les
enseignants. C’est tout l’art de
la pédagogie.

Ainsi, il ne suffit pas de se focaliser
sur les conjugaisons car il faut aussi
connaître la façon dont un élève
construit la notion de temps, où il en
est avant de l’aborder et comprendre
ensuite ses erreurs pour l’aider à progresser.

Un autre exemple : connaître les
tables de multiplication par coeur est
indispensable, mais loin d’être suffisant.
Cela ne donne pas le sens de la
multiplication, ni pour l’utiliser à bon
escient dans des problèmes, ni pour
comprendre ses différentes écritures :
4x3= 3x4= 4+4+4= 3+3+3+3.
Enfin le savoir est constitué des
connaissances acquises par l’élève et
auxquelles il a su donner du sens et
du lien, il ne se résumera jamais à un
empilement de savoirs.

Se limiter à des exercices répétitifs ou
à de simples applications de règles
risque de dégoûter de l’école. Dans
une démarche qui amène les enfants
à comprendre ce qu’ils font, en revanche,
le par coeur, l’entraînement, l’automatisation
prennent alors toute leur
place et deviennent utiles.

- L’école va-t-elle si mal que ça ?

C’est une première en France, le Ministre de l’Education nationale prétend tenir compte des résultats des évaluations internationales.
Et pourtant, les nouveaux programmes ne répondent pas aux enseignements de ces évaluations. Pour ces dernières,
les élèves français ont peur de se tromper, sont moins habiles que les autres élèves pour résoudre les problèmes et pour
transférer, dans des situations nouvelles pour eux, les connaissances qu’ils acquièrent. Plutôt que de rabâcher des règles, les
élèves ont besoin d’être accompagnés avec méthode par les enseignants pour affronter avec confiance des situations
complexes.

- Quel réaménagement pour le temps scolaire ?

Le ré-aménagement du temps scolaire est une
question lourde et difficile. La réponse simpliste du gouvernement de supprimer 2 h de
cours se traduit le plus souvent par une concentration de la classe sur 4 jours par semaine.
Où est l’intérêt des élèves dans une telle mesure ?
A quelles conditions sera-t-il le plus disponible pour les apprentissages ? Pour cela, tout doit
être remis à plat : il faut repenser la répartition des activités sur la journée, le rythme hebdomadaire,
le rythme annuel, la périodicité des vacances.

Pour définir des emplois du temps, et des calendriers scolaires adaptés aux jeunes, trois
principaux rythmes doivent être respectés : le sommeil, les variations journalières de la vigilance
et de l’activité intellectuelle, les variations saisonnières et cela tenant compte également
des différences liées à l’âge.
« Mettre à plat les rythmes scolaires », c’est aussi prendre en compte l’enfant dans sa globalité,
et donc harmoniser le temps scolaire et extra-scolaire. On ne peut y parvenir qu’en
associant tous les partenaires concernés par l’éducation des jeunes : enseignants, parents,
scientifiques, responsables des associations complémentaires de l’école et des mouvements
pédagogiques, collectivités locales.

- Aider les élèves les plus en difficulté, qui serait contre ?

S’il s’agit d’une aide, elle doit être organisée par les
enseignants à partir des activités et exigences scolaires. S’il s’agit d’accompagner les élèves
dans leur scolarité, elle peut être assurée par d’autres adultes à condition qu’elle fasse l’objet
d’une concertation préalable, d’évaluations régulières avec les enseignants et les parents
et qu’elle propose des activités qui ne se réduisent pas à de la répétition. Le ministère propose
un « accompagnement éducatif » en fin de journée, progressivement étendu à l’école
primaire (en ZEP-REP à la rentrée 2008) et, pour les élèves repérés par les enseignants, deux
heures hebdomadaires ou des stages de vacances.

Trop souvent la suppression du samedi matin va conduire, dans la précipitation de cette rentrée,
à alourdir la journée des élèves qui ont déjà peu d’appétit pour l’école. Il y a mieux à
faire : changer la façon de travailler en classe.
Une aide plus ciblée est nécessaire pour certains enfants mais elle est bien plus efficace
quand elle est assurée par ou en lien avec des maîtres spécialisés (RASED) qui ne doivent
surtout pas disparaître dans la tourmente. Contrairement à ce qu’affirme le ministre, aider
des élèves qui ont des difficultés, c’est difficile ! Et on ne réglera pas le problème par des
mesures annexes, encore moins en supprimant deux heures de classe par semaine.

Apprendre, pas si simple !
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