Que fait concrètement un ouvrier qui touche, modèle, caresse, découpe, taille l’objet qu’il façonne ? Quelles lignes invisibles dessine un travailleur qui tisse, nettoie, balaie, tend ou érige quelque chose ? Peut-on décrire le mouvement ouvrier en termes tactiles et graphiques, de gestuelle et de danse ?
La main d’oeuvre est d’abord une main à l’oeuvre, nous rappelle l’auteur, qui entreprend de nous dépeindre son histoire et ses métamorphoses à travers les âges, agités ou heureux. Au-delà de leur fonction technique et économique, les mouvements gestuels des sans voix, pour peu qu’on les regarde comme des phénomènes, des apparitions, portent en eux-mêmes une vision créatrice ou colérique du monde. Du plus profond de la préhistoire à nos jours, le geste ouvrier « oeuvre » en façonnant, en esthétisant, en démontant outils et techniques, en cultivant ses traditions comme autant de microcosmiques expressions pré-artistiques.
Ce livre examine aussi une question intrigante : pourquoi et comment le mouvement ouvrier, dont le sens premier est donc aussi synonyme de « création en acte », est-il devenu une notion trop exclusivement politique et syndicale depuis le 19e siècle ? N’y aurait-il pas intérêt pour les spécialistes mêmes du social à redécouvrir la concrétude artisane, l’oeuvre comme devenir passant par un savoir-faire autant que par des idéologies ? Sans pour autant oublier les grèves et les colères paysannes ou urbaines, l’auteur décrit avec émerveillement et délicatesse ce que pourrait être un mouvement ouvrier occulte, de la marche sabotée au tissage cher aux Encyclopédistes, des esclaves dansants aux lavandières, du folklore populaire à la gymnastique en usine : une multitude de petits gestes quotidiens et d’échappées belles. Le microcosme du « mouvoir ouvrier » s’anime ici pour la première fois dans un semi beau livre, avec un talent singulier. Un ouvrage au style étincelant, foucaldien, entre poésie, esthétique, histoire et philosophie. Un ouvrage vivifié par une quarantaine d’illustrations.
Biographie de l’auteur
Camille Saint-Jacques est peintre et enseignant. Il a été directeur de publication du Journal des Expositions et de Post de 1992 à 2001. Il a dirigé plusieurs ouvrages aux éditions Autrement, dont La maladresse, une faute heureuse (dir.) éd. Autrement, Paris, 2002.
Détails sur le produit
* Broché : 250 pages
* Editeur : Max Milo (30 avril 2008)
* Collection : L’Inconnu
* Langue : Français
* ISBN-10 : 2353410405
* ISBN-13 : 978-2353410408