Les acteurs de l’économie sociale n’échappent pas, en effet, aux contraintes d’ordre gestionnaire et s’inscrivent par ailleurs et sous de multiples aspects dans des perspectives marchandes. La particularité se situerait donc, plutôt, dans la nature du rapport entretenu avec l’argent. A la différence de l’entreprise privée, le capital financier généré par l’activité ne constitue pas ici une fin en soi, mais seulement un moyen mis au service du projet social.
Plus précisément, si l’économie sociale produit des biens et des services, c’est en réalité le maintien ou la création de liens sociaux qui sont en jeu au-delà de l’activité productive stricto sensu. Aussi, l’objectif ultime poursuivi tient-il dans le renforcement des relations interpersonnelles au sein des organisations non seulement au niveau des destinataires des biens et services (usagers) mais également de ceux qui les produisent, à savoir les salariés et bénévoles investis dans le projet. C’est à la mesure de cette valeur ajoutée sociale que se jauge la qualité et l’authenticité de l’action entreprise.
Le caractère démocratique de la gestion, l’appropriation collective du capital et le réinvestissement systématique des excédents éventuels au bénéfice du projet solidaire, sont donc autant de principes fondamentaux qui forgent l’originalité du secteur et le différencient sans ambiguïté de la dynamique capitaliste.
Par rapport au secteur public, sans doute convient-il également de repréciser un certain nombre d’exigences pour éviter une assimilation abusive qui brouille trop souvent le partage des responsabilités. C’est sur la base d’un partenariat empreint d’une mutuelle confiance que doivent se construire les relations entre les collectivités et les acteurs de l’économie sociale. Cependant, le recours fréquent aux financements publics justifie pleinement qu’un contrôle de l’utilisation des fonds alloués puisse s’exercer en toute transparence. Il n’y a là rien de véritablement choquant.
A l’heure où les économies européennes tendent à se fédérer autour du modèle économique libéral, il est urgent qu’émerge une réflexion globale visant à définir un statut européen de « l’entreprise sociale » susceptible d’encourager et de pérenniser les efforts de tous ceux qui, en France, en Allemagne ou ailleurs, tentent de faire vivre des valeurs de solidarité. Ce livre y contribue utilement à sa manière.