Ainsi, des associations de consommateurs, des syndicats agricoles, des agriculteurs (porc, lait, fruits et légumes…), des associations d’élus et le grand public nous posent souvent la même question : à quand du commerce équitable au Nord ?
Si la question relève tout à fait du bon sens, la réponse est, selon nous, beaucoup plus complexe.
Le commerce équitable a pour fonction et non comme objectifs (autonomie des producteurs, éducation au développement, changement des règles du commerce international) de pallier l’absence de politiques publiques - et non de les remplacer - dans les pays du Sud, via la démarche de consommateurs qui décident d’acheter les produits venant de producteurs défavorisés du Sud.
En effet, les communautés qui travaillent dans le cadre du commerce équitable vivent dans des pays dans lesquels l’Etat est la plupart du temps faible. Il s’agit d’Etats dans lesquels il n’existe pas ou peu de protection sociale ; dans lesquels les infrastructures scolaires, sanitaires, routières sont défaillantes ; dans lesquels il n’existe pas de mécanismes de compensation lors de la chute des cours des produits agricoles. Par ailleurs, certains de ces pays sont en guerre.
De plus, sur les 1,3 milliards de paysans dans le monde, un milliard cultivent à la main, ce qui n’est plus le cas dans les pays de l’Union européenne.
Ceci ne minimise pas la situation des dizaines de milliers de paysans français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais montre que les problèmes rencontrés par les agriculteurs au Nord et au Sud ne sont pas de même nature.
Par conséquent, avant de parler de commerce équitable au Nord, il nous semble nécessaire - et c’est le rôle de la Plate-forme pour des agricultures durables et solidaires - d’interpeller les pouvoirs publics français et européens afin qu’ils prennent en compte la situation de ces paysans en adoptant les politiques publiques qui s’imposent.
En effet, les citoyens contribuent au budget de la PAC et de la protection sociale en France, faut-il aussi, qu’en tant que consommateurs, ils compensent les conséquences néfastes de politiques publiques agricoles iniques ?
Si la question se pose, il est évident qu’il semble improbable que les pouvoirs publics apportent des réponses adéquates dans un proche avenir.
Par conséquent, l’association Max Havelaar France est tout à fait d’accord pour apporter l’expertise qu’elle a acquise dans le domaine de la certification, afin de contribuer à la création d’un label de commerce solidaire (il nous semble inapproprié de parler de commerce équitable au Nord étant donné les arguments développés plus haut).
Si un tel label venait à voir le jour, il faudrait que ce soit en concertation avec les associations de consommateurs, les syndicats agricoles et les associations de protection de l’environnement. C’est la raison pour laquelle il nous semble que la Plate-forme pour des agricultures durables et solidaires est le meilleur endroit pour en discuter.