Depuis quelques décennies, il n’y a pas eu une seule crise mais une succession de crises qui se sont ajoutées les unes aux autres. Elles se sont accompagnées d’un effritement idéologique de la notion de progrès, d’une désillusion collective. Pendant deux générations, les Français ont pensé que leurs enfants vivraient mieux qu’eux, le compromis socio-économique atteint durant les Trente glorieuses paraissait inattaquable. Or, dans les années 1980, le libéralisme a conquis le terrain. L’État s’est désengagé à coups de dérèglementation, de dérégulation, de privatisation. Rien ne devait représenter un frein à la compétitivité.
Pour vous [1], l’économie sociale et solidaire peut être une troisième voie novatrice entre libéralisme et étatisme ?
Avec ces crises, et le désengagement de l’État, une multitude d’initiatives issues de la société civile ravive la tradition de l’économie sociale : celle des associations, coopératives et mutuelles. Ces initiatives tentent de promouvoir un changement social et cherchent à construire une manière de mieux vivre ensemble. Mais nous sommes à la croisée des chemins. L’économie sociale et solidaire peut soit devenir dans les prochaines années l’un des éléments de la transformation économique et sociale de notre pays, un vecteur de changement, soit à l’inverse, elle peut se voir instrumentalisée et perdre ainsi toute son originalité et son efficacité.
[1] Jean louis Laville : sociologue, économiste professeur du Conservatoire national des arts et métiers Cnam.