La prise en compte des questions environnementales par les politiques est un enjeu de cet entre-deux tours des élections régionales. Et de l’information des citoyens à cet égard. Dès avant le 1er tour, la Ligue Roc a interrogé les partis politiques sur la biodiversité, enjeu en 2010 de débat international, national et régional.
Les partis politiques, en effet, investissent et soutiennent des candidats dans toutes les Régions, mais ces partis expriment-ils une responsabilité sur l’enjeu vis-à-vis de leurs candidats, ont-ils une vision, des propositions, une ligne, une organisation relative à la biodiversité ? Telles étaient les questions que l’association se posait. Un questionnaire leur a été adressé, consultable ici.
Pour Christophe Aubel, Directeur de la Ligue Roc : « les réponses et les non-réponses à ce questionnaire font écho à la progression réelle mais insuffisante de l’enjeu biodiversité dans la société et donc aux progrès qu’il reste à accomplir ainsi qu’à l’intérêt d’un dialogue à instruire. ».
Voir tableau comparatif des réponses à télécharger.
L’association Ligue Roc détecte 5 points de convergence, 5 points de divergence, 2 points d’un dialogue à poursuivre.
Premier enseignement, là où les avis convergent :
1. Tous les répondants affirment la nécessité d’une place à tenir par la Région (Q5) ; en raison de leurs compétences, mais aussi du fait que l’action pour la biodiversité a lieu d’abord sur les territoires. Les Verts ajoutent qu’il conviendrait de clarifier les relations des autres niveaux avec la Région sur cette question, comme avec l’Etat.
2. Tous les répondants affirment la nécessité de stratégies régionales en faveur de la biodiversité (Q6). Le PS et les Verts soulignent des précédents mis en place, sans que ceux-ci ne soient nécessairement articulés à la Stratégie nationale pour la biodiversité. L’UMP indique que les exécutifs régionaux porteront les schémas de cohérence écologique sans indiquer néanmoins le lien avec une stratégie nationale. Le PR souligne lui le besoin de complémentarité entre Stratégie Nationale et Stratégies Régionales.
3. Les partis reconnaissent l’échec de l’actuelle Stratégie Nationale Biodiversité (Q4 et Q9) qui n’a pas permis de freiner son érosion (le PR est le moins sévère). Ils souscrivent à la nécessité de fixer des objectifs ambitieux, insistent sur la sensibilisation, ouvrent la porte de la mise en place d’autres indicateurs que le PIB. Le PS insiste sur l’intégration dans toutes les politiques sectorielles et l’objectif d’aller vers un autre modèle de développement, l’UMP sur le besoin d’aller plus loin que l’actuelle SNB, le PR souligne l’importance d’une modification des indicateurs économiques et de la réflexion sur l’approche économique, les Verts sur l’équilibrage nécessaire entre capital économique, social et environnemental.
4. Tous les répondants affirment que la valeur du patrimoine naturel doit pouvoir être affichée comme composante des richesses nationales (Q8 et Q9) : le PS et l’UMP disent y travailler, à travers des dispositifs séparés. Les Verts et le PR précisent que ceci peut être une méthode pour faire prendre conscience de la valeur, les Verts soulignant les difficultés de réalisation à surmonter et les précautions préalables à prendre quant à la tentation de monétarisation. L’Alliance écologiste souligne que les services écologiques ont déjà fait l’objet de rapprochement de valeur avec le PIB mondial. PR, PS, UMP, Verts et Alliance Ecologiste semblent s’accorder sur la notion de valorisation ou revalorisation de « capital écologique ».
5. La nécessité d’une gouvernance élaborée de la question est une ligne de force. L’idée d’organiser la concertation et de mobiliser tous les acteurs et citoyens est approuvée (Q7 et Q11) ; rendre compte en est un élément approuvé par tous (Q3 et Q15) ; pour le PS et l’Alliance écologiste par un rendu compte spécifique à l’aide d’un tiers indépendant, pour l’UMP par le Président de Région devant le comité régional trame verte et bleue ; pour le PR y associer tous les acteurs est indispensable, les Verts proposent une publication systématique des propositions, des amendements, des positions de chacun.
Deuxième enseignement, là où les avis sont partagés
1. Sur l’opposabilité de la TVB aux grandes infrastructures et surtout en matière d’urbanisme (Q10.1 et 10.2). On voit que l’accord global sur un cadre trame verte et bleue n’efface pas des différences sur le comment. Pour la question de l’opposabilité de la trame verte et bleue (TVB), le clivage est net. Les Verts prônent la conformité (et en tout cas dès à présent la compatibilité) de tous les aménagements et documents d’urbanisme avec la TVB ; ils soulignent le rôle que pourraient avoir les juges et leur formation sur la biodiversité à cet égard. L’UMP et le PR ne prônent la compatibilité que pour les seules infrastructures de l’Etat. Le PS affiche, lui, l’objectif de progresser vers l’opposabilité, mais après une réflexion à engager, notamment sur les schémas d’aménagement.
2. Sur les futures priorités de la SNB (Q4) : le PS propose deux priorités centrées sur les « espèces » (+ 1 mesure phare) et une sur l’expertise scientifique. Il semble souligner le besoin de formation et communication vers les acteurs dans l’objectif d’une intégration de la biodiversité aux autres questions. L’UMP centre ses trois priorités sur la connaissance, la pédagogie, la préservation. Les Verts indiquent que les objectifs précédents n’étant pas atteints, ils sont à reconduire. Le PR souhaite que chaque acteur puisse formuler des propositions.
3. Sur les instances de concertation (Q7) : si tous semblent admettre qu’il sera nécessaire de construire des concertations, ils divergent sur les instances : comité régional TVB pour l’UMP, Conseil Economique Social et Environnemental pour le PR, pour les Verts, l’entrée de la discussion biodiversité s’effectuerait au sein de Conseils régionaux de l’environnement quand ils existent mais à réformer et à rendre actifs, ou au cours de moments privilégiés comme une « Conférence régionale pour la nature ». Il est à noter que plusieurs fois les Observatoires ou Conseils scientifiques sont assimilés à des instances de concertation.
4. Sur les outils de financement : le chantier des financements doit être ouvert, aucun parti ne fait de propositions très précises, or sans flux financiers nouveaux, les politiques de préservation resteront marginales.
5. Dispositifs différents dans les partis en faveur de la biodiversité : la biodiversité serait traitée au sein de l’écologie et du développement durable pour le PR, de l’environnement et du développement durable pour le PS, au sein de la croissance verte et de l’énergie pour l’UMP, au sein de l’environnement pour les Verts. Il peut s’agir d’une personne, d’une commission. Les Verts posent la question de leur influence.
Quant à la formation nécessaire au sein du Parti, il y a sans doute des prises de conscience à prolonger, des dispositifs réels et ambitions à affirmer. Le PR a mis en place un cycle, état très impressionniste de la situation pour le PS, la formation est une « information » pour l’UMP. Les Verts font état à la fois d’un dispositif et d’une nécessité apportée par l’élargissement des listes Europe Ecologie.
Troisième enseignement, prolonger un dialogue aurait de l’intérêt
1. Les partis répondants approuvent unanimement une des mesures préconisées par l’association Ligue Roc : renforcer la connaissance opérationnelle sur le territoire par la réalisation d’atlas communaux. L’Alliance écologiste indique que ceci pourrait être fait en partenariat avec des associations.
2. L’association Ligue Roc de son côté relève des idées à suivre sur :
- les rendez-vous de mobilisation telles les « conférences régionales pour la nature » formulées par Les Verts ;
- la réflexion relative à la mobilisation de l’expertise, formulée par l’UMP ;
- les « cœurs de nature » reliés par des « liaisons écologiques » favorisant le maillage écologique du territoire formulé par le PS ;
- l’affirmation du PR selon laquelle tout l’enjeu de cette année sera de réfléchir aux outils financiers.
La Ligue Roc, association reconnue d’utilité publique et agréée par le Ministère de
l’Ecologie au titre de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, est présidée par Hubert Reeves.
Elle s’efforce d’être constamment à l’origine de propositions et elle a choisi d’illustrer un nouveau dialogue environnemental, notamment en participant aux débats multi- acteurs. Son influence est croissante : elle a été associée au processus du Grenelle de l’environnement et aujourd’hui à l’ensemble des réflexions en cours autour de la nature. La Ligue Roc a publié deux « manifestes » pour la biodiversité, réunissant quelques unes des idées promues. Le dernier manifeste est paru en décembre 2009 : « Humanité et biodiversité, manifeste pour une nouvelle alliance ».