Tribune libre sur le règlement de l’agriculture bio en Europe
Guillaume Moricourt propose sa tribune libre pour défendre le bio, le label AB de l’agriculture biologique et l’environnement, face à l’Union Européenne. Il est l’auteur d’« Agriculture et Santé » aux Editions Dangles.
Fin décembre 2006, la commission avait essayé de forcer le passage pour son projet européen sur le bio. Un projet si soumis à controverses, que le débat s’était imposé, et que la commission avait du accepter la saisie du parlement européen pour avis.
L’agriculture bio se veut sans OGM, et elle dérange. Dans le dos de ses producteurs, la commission a souhaité considérer qu’un produit contaminé jusqu’à 0.9% par les OGM soit accepté comme produit bio, alors que la limite technique de détection est de 0.1%.
La commission a encore souhaité l’autorisation des pesticides chimiques dans l’agriculture biologique, au cas où des produits naturels de remplacement ne se trouveraient pas dans le commerce ! Seule une préférence est donnée aux produits naturels contre les produits chimiques. Ce qui n’a trompé personne, et ne vise qu’à diluer le bio dans une dose de pesticide, en attendant qu’il ne plonge directement dans la citerne.
Et la commission a voulu étendre un logo européen à tous, en empêchant d’apporter un signe distinctif tel que « Sans OGM », ou « Sans pesticide chimique », ce qui a le mérite de la cohérence, pour forcer un démantèlement progressif.
La commission à l’agriculture du PE, conduite par Marie-Hélène Aubert, députée française des Verts, a proposé un contre-projet discuté en session plénière fin mars 2007, amendant très fortement le projet initial de la commission.
Le PE a justement refusé ces mesures inouïes. Le PE a préconisé une tolérance limitée à hauteur de 0.1% pour les OGM, en phase avec les 85% de consommateurs de l’UE qui refusent les OGM. Il a encore refusé l’usage des pesticides dans le bio. La ficelle est trop grosse !
Cette interdiction des facilités chimiques, tant préjudiciables à notre santé et à la nature, est réclamée par les producteurs bio eux-mêmes, pour imposer à l’agriculteur bio de saines pratiques. Ce n’est qu’à cette condition que l’agriculture bio est la meilleure agriculture qui soit, polluant très peu les terres, l’eau, l’air, les produits, et qu’elle devient capable de garantir la transmission d’un sol non dégradé à ses successeurs, comme l’ont fait nos grands-parents. Au passage, elle sauvegarde très certainement notre santé. Sans parler des saveurs délicates qu’elle sait nous restituer.
Remarquons que la capacité du bio à nourrir la planète, vient d’être reconnue par Nadia el Hadge, fonctionnaire à la FAO, et que ce même organisme international préconise le recours au bio pour sauver l’écosystème, et l’économie des paysans du Sud.
Fin mars 2007, face au danger, le PE a revendiqué un pouvoir de codécision sur le projet, pour ne pas laisser les mains libres à la commission qui s’était encore arrogé le pouvoir inconcevable de rédiger, selon son bon vouloir, les modalités pratiques du futur nouveau règlement. 94% du PE, gauche et droite confondus, a refusé de voter en totalité le projet de Marie-Hélène Aubert, artifice institutionnel qui a bloqué le processus de décision, dans un sain sursaut démocratique.
Ce qui n’a pas plu. Le 24 avril, le Conseil a pris les choses en main, et a demandé un vote au PE en urgence, tout en refusant d’accorder la codécision demandée. En réaction, le PE a renouvelé sa fronde, arguant qu’il voulait prendre le temps de convaincre le Conseil et la commission.
Mais cette fronde des députés a fait long feu. Le 22 mai 2007, le PE est finalement rentré dans le rang, en votant à 91% la totalité du rapport de Marie-Hélène Aubert. Victoire à la Pyrrhus� Certes, le parlement s’oppose au projet de la commission, mais il permet au Conseil de se déterminer dans une orientation que tout nous laisse percevoir comme préjudiciable pour l’avenir.
En effet, selon des bruits de couloirs, les propositions de la commission sur les pesticides ou les OGM seraient adoptées, et le logo unique ne serait pas imposé. Maigre consolation, le logo AB continuerait de préserver les consommateurs contre les dérives, car il lui serait encore permis d’exiger un cahier des charges supérieur à celui de l’UE. Mais affaire à suivre...