Europe : Comment sortir de la crise ?

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Europe : Comment sortir de la crise ?

L’Europe est en crise. Quels sont les projets et les réformes institutionnelles qui lui permettraient d’en sortir ? Débat entre Pervenche Berès, Alain Lipietz et Jacques Le Cacheux.

Alternatives Economiques : Cinquante ans après le traité de Rome, où en est l’Europe aujourd’hui ?
Pervenche Berès : L’Europe est victime de ses succès. Elle avait été constituée au départ pour mettre en œuvre des solidarités autour de questions précises, comme celle du charbon et de l’acier avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), puis de l’agriculture avec la politique agricole commune (PAC). L’étape suivante – la constitution d’un grand marché unifié – devait être un moyen d’accélérer l’intégration politique de l’Europe. Cet enchaînement n’a pas véritablement fonctionné. Qu’il s’agisse du grand marché ou de la PAC, nous sommes aujourd’hui confrontés aux mêmes difficultés : ces politiques sont devenues des fins en soi. Du coup, le marché européen tel qu’il existe aujourd’hui est un marché pour idéologues en chambre : c’est le seul à l’échelle mondiale au sein duquel n’existe aucune véritable solidarité budgétaire, quasiment aucune règle sociale ou fiscale commune, ni aucune définition des préférences collectives en matière de biens publics…
Alain Lipietz : Au départ de la construction européenne, il y a la réconciliation franco-allemande. J’étais enfant, ma mère avait été résistante et mon père déporté. Faut-il faire la paix définitive avec les Allemands ? Voilà ce qu’on discutait à la maison, douze ans après la guerre de 39-45. Les Français ont décidé de faire cette paix, bien au-delà du marché commun. Et ça a formidablement marché. Au moment de la guerre d’Irak, un sondage a montré qu’après deux mille ans de guerres constantes, les Français considéraient désormais que leurs meilleurs amis étaient les Allemands…
Mais le processus d’intégration initié en 1957 n’a pas véritablement débordé le cadre initial de l’Europe à six. Les ex-dictatures d’Europe du Sud ont joué le jeu, mais les Anglais n’ont jamais accepté la logique d’une intégration politique progressive, et les Scandinaves sont restés sur une prudente expectative. La remise en cause du partage de Yalta, avec l’entrée dans l’Union européenne des dix pays d’Europe centrale et orientale au 1er mai 2004, a constitué la seconde grande étape de l’unification du continent. Elle ne va pas accélérer l’intégration politique… Mais la France n’a rien fait non plus pour qu’il en soit autrement : elle a été, je crois, le seul pays d’Europe à ne pas organiser de fête ce jour-là, alors que l’on compte tout de même 4 millions de personnes d’origine polonaise en France !

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