A quoi servent les actionnaires ? Certains seront sans doute tentés de répondre "à rien" ou "à plumer la volaille des salariés". Ce n’est évidemment pas la réponse qu’apporte ce livre collectif issu d’un colloque consacré à cette question. Parmi les auteurs qui ont présenté des communications, on trouve l’ancien PDG de Saint-Gobain, Jean-Louis Beffa, tandis que Robert Solow, "prix Nobel" d’économie, animait la table ronde finale. Toutefois, ce qui ressort du livre est que l’entreprise n’appartient pas uniquement à ses actionnaires, comme le stipule le droit des sociétés, mais à l’ensemble des parties prenantes qui la font vivre, et il serait donc légitime que la direction de l’entreprise prenne en compte cette pluralité, au lieu d’avoir les yeux fixés, comme trop souvent - et comme le proclament la plupart des théoriciens de la firme - sur la valeur actionnariale.
Une primauté injustifiée
Cette position critique est développée notamment dans les interventions de Christophe Clerc, qui ouvre la danse et qui dénonce, dans un texte remarquable, le traitement accordé à l’actionnaire dans le droit des sociétés : alors que sa responsabilité est limitée à son apport, il peut espérer des profits illimités. Il n’est pas légitime de donner la primauté à un irresponsable, soutient l’auteur, non sans logique, et cette situation revient à ce que "les décideurs ne sont pas les payeurs". Car, si la société disparaît ou se trouve en difficulté, les autres parties prenantes (salariés, prêteurs, Etat, collectivités territoriales et fournisseurs), à commencer par les salariés, perdent bien davantage que les actionnaires.