Les Etats généraux de l’Economie sociale et solidaire EGESS peuvent être objectivement regardés par leurs promoteurs comme un succès. Et de ce succès tous ceux qui oeuvrent dans ce champ doivent se féliciter. La forte présence de jeunes et l’esprit à la fois convivial, studieux et engagé ne peut que s’inscrire à l’actif d’une manifestation où l’esprit d’innovation ne manqua pas.
Cependant un grand nombre d’acteurs de l’ESS quittèrent le Palais Brongniart avec bien des interrogations.
Quantitativement, il y avait de quoi satisfaire les organisateurs même si la dispersion des pôles d’activité rendait tout comptage très aléatoire. Des fourchettes circulent sur 2.000/2500 personnes sur les trois jours ce qui est bien en soi. Avancer plus serait sans doute hasardeux. L’approche qualitative laisse cependant apparaître une fréquentation pour une très large part constituée de militants ou de leur mouvance, proches des structures les plus avancées de l’Economie solidaire, voilà pour les jeunes qui formaient la grande majorité des présents ; et puis pour les plus anciens, dont j’étais, il s’agissait pour l’essentiel, d’un noyau dur d’activistes de l’ESS.
En tout état de cause des classes d’âge manquaient à l’appel (30/50) mais plus sûrement malgré une campagne média importante, c’est le grand public, jeune ou moins jeune, qui n’était guère présent !
L’effet de "soulèvement" qu’impliquait l’intitulé d’Etats généraux ou la notion de Cahiers de l’espérance, dans la lignée des Cahiers de doléance de la Révolution, le souffle des indignados de la Porta del Sol ou de la Tahir barcelonnaise étaient, somme toute, loin. Même l’effet de curiosité de l’occupation de l’ancienne Bourse des valeurs n’a pas pleinement joué.
La seconde observation porte sur le caractère limité de la manifestation quant à la diversité des formes de l’ESS. En effet si les mots "Mutuelles" et "Coopératives" furent, parfois, avancés, les grandes structures mutualistes, santé ou assurance, et celles de CoopFR, à l’exception de certaines Scop, ne paraissaient pas associées au projet et présentes sur les lieux. Et la gêne que j’évoquais y trouve sans doute son origine.
La troisième observation, corrélée à la seconde, est l’affirmation trop souvent implicite, et parfois même explicite, que ce qui se passait là était le début d’une histoire avec le sentiment diffus que rien n’avait existé auparavant.
Qu’on me permette une remarque personnelle : un ancien patron de presse qui exprima une telle idée avait sans doute oublié l’engagement dans son groupe de grandes entreprises de l’ESS autour d’un projet concret et leur volonté de le poursuivre qu’il refusa quand il avait cru bon d’y mettre unilatéralement un terme.
L’Economie sociale ne se développera que dans le renouveau de ses formes, pas dans l’indifférence, voir le refus, vis-à-vis de son histoire.
Voilà donc pour le verre à moitié plein et celui à moitié vide.
Demeurent une communication et des informations à un niveau jusque là jamais atteint sur l’ESS et de bons moments passés ensemble.
Demeurent l’image de l’infatigable Claude Alphandéry, portant comme sur les affiches à bout de bras une entreprise énorme et celle de Stéphane Hessel souriant devant l’énergie déployée par ces jeunes cherchant à relever son défi à notre société endormie.
Qu’il s’agisse de l’ESS et des EGESS, "Changer pour pouvoir continuer et continuer pour pouvoir changer" ( changer le monde, bien entendu !) pourrait être l’enseignement de ces trois jours.
Nous publions dans cette Lettre RS et sur le site www.rencontres-sociales.org des textes émanant notamment du CNCRES, du PS, un appel d’organisations et de personnalités.. qui viennet compléter les travaux des EGESS ou s’inscrire dans leurs débats.
Jean-Philippe Milesy, Délégué général de Rencontres sociales