La puissance des plates-formes numériques de réservation de voitures avec chauffeur - qui ont révolutionné le transport particulier de personnes et se sont développées à forte allure en s’adaptant aux cadres légaux des différents pays - contraste avec la situation des chauffeurs qui, atomisés, sans représentation syndicale organisée par la loi permettant le dialogue social, sont totalement dépendants d’elles. En effet, elles décident du prix des courses, monopolisent l’intermédiation entre les chauffeurs et les usagers, déterminent leur statut social en privilégiant aujourd’hui le modèle du travailleur indépendant - censément libre d’organiser son travail - plutôt que celui de salarié. Au prix d’une grande précarité : les chauffeurs doivent payer jusqu’à 25 % de commission chez Uber qui peut les « débrancher » à tout moment, les privant de leur gagne-pain sans véritable possibilité de se défendre.
L’article 20 du projet de loi LOM prévoit que les plates-formes peuvent établir une charte « déterminant les conditions et modalités d’exercice de (leur) responsabilité sociale », précisant notamment « les modalités visant à permettre aux chauffeurs d’obtenir un prix décent ». Nulle obligation ici : la situation sociale et économique de dizaines de milliers de chauffeurs dépend du seul bon vouloir de plates-formes dont la priorité est le profit de court terme et, à long terme, le développement des véhicules autonomes… sans chauffeur !
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Marylise Léon , secrétaire générale adjointe de la CFDT
Jérôme Saddier, vice-président du Crédit Coopératif et président d’ESS France
Romain Slitine, maître de conférences à Sciences Po Paris et co-auteur de « L’Economie sociale et solidaire » (PUF, 2019)
Stéphane Vernac, maître de conférences en droit privé, université de Picardie Jules-Verne
Bastien Sibille, président de Mobicoop