Pendant la trêve estivale, les travaux du « Grenelle de l’environnement » se sont poursuivis avec l’ensemble des parties prenantes, pouvoirs publics, associatifs, partenaires sociaux. L’événement est attendu pour le mois d’octobre, il sera décisif pour l’avenir de notre système démocratique. La prétendue crise de la participation politique que nous vivons est avant tout celle du système de la démocratie représentative. Depuis plus de vingt ans maintenant, la vitalité exceptionnelle de l’associationnisme dans notre pays témoigne de la prise en main par les citoyens de leurs intérêts collectifs et leur contribution incontournable à l’intérêt général. Parlerions-nous d’écologie aujourd’hui sans les associations environnementales ?
Le « Grenelle de l’environnement » voulu par le Président de la République et mis en oeuvre par le Ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables est avant tout le résultat de cette mobilisation citoyenne et associative durant la campagne électorale. Ici, point d’état de grâce ni d’illusions, les représentants associatifs poursuivent un plan précis fruit de leur organisation collective : soutenir et défendre leurs plates-formes de propositions fédérative et/ou collective dans le cadre d’un mandat de négociation.
Le « Grenelle de l’environnement » est donc bien, en théorie, une expérience majeure du dialogue civil que le mouvement associatif appelle de ses voeux depuis des années. Si le dernier mot de la décision politique qui devrait aboutir au plan d’action relève du Gouvernement, les premiers mots de l’expertise, de la proposition, des débats sont ceux des composantes de la société organisée. A la différence des formes connues du dialogue social à la française, l’apport des 9 regroupements associatifs sur le fond et la forme du débat est d’ores et déjà inédit. Les blogs des regroupements associatifs racontent quasiment en direct le contenu des débats des groupes de travail et témoigne du contexte général du « Grenelle ». Qu’y découvre t-on de si intéressant ?
La forme déjà du dialogue civil est un enjeu politique fort. Les gouvernements, les pouvoirs publics en général ne peuvent s’empêcher de garder une distance de sécurité entre eux et les partenaires organisés de la société en nommant d’irréprochables « personnes indépendantes d’esprit » pour présider ou finaliser les groupes de travail... dès lors, on parle de concertation, voire de simple consultation. Fin juillet, les associations environnementales ont tenu bon et rappelé au Ministre le cadre politique du « Grenelle » tel qu’annoncé par le Président de la République : la négociation. Ce qui se joue là, c’est bien comme le disent les représentants associatifs la capacité d’établir une reconnaissance officielle des partenaires d’un même dialogue environnemental. Ce dialogue doit permettre d’établir comme dans toute réelle négociation, un état des « rapports de force » entre les partenaires. Sans cela, les acteurs avouent que le Grenelle ne sera qu’une opération de communication.
Le fond des débats est également explicite de cette nécessité de formaliser le cadre du dialogue civil. Les représentants associatifs, filmés à la sortie des groupes de travail, témoignent de l’importance des sujets et de la difficulté de rendre compte précisément de toute l’expertise associative dans des tours de tables de plus de 30 ou 40 personnes. Ils témoignent du décalage entre leurs expertises de praticiens de l’écologie et les échanges institutionnels des groupes de travail. Certaines associations rappellent ainsi qu’elles mettent déjà en oeuvre les solutions préconisées (éducation à l’environnement...) tout en vivant parfois une insécurité permanente de fonctionnement due aux relations financières avec les pouvoirs publics...
Pour faire avancer notre société et trouver des vraies réponses aux problèmes fondamentaux notamment de l’écologie, la rupture est en effet souhaitable dans l’organisation du débat démocratique associant les élus, les partenaires sociaux et les associations. Les représentants associatifs du « Grenelle de l’environnement » ne s’y sont pas trompés et ont écrit que cet événement devait se concrétiser ensuite par une réforme institutionnelle majeure, celle du Conseil économique et social et par un nouveau système de reconnaissance et de financement des associations représentatives. Des propositions fortes que le mouvement associatif organisé en France (16 coordinations nationales, plus de 500 000 associations) a faites et précisées dans sa plate-forme pour la mandature 2007-2012. Le Président de la République a la possibilité – historique - de faire du dialogue civil en France, avec le mouvement associatif organisé, un élément systématique et incontournable des réformes annoncées. Le choix de faire avec ou sans la société.
Jacques HENRARD, Président de la Conférence Permanente des Coordinations Associatives