ESS et Société : Vous avez déclaré votre candidature à la présidence d’ESS France. Quelle est votre vision de l’ESS et votre ambition pour elle dans les prochaines années ?
Damien Baldin : L’économie sociale et solidaire est une économie à hauteur humaine. C’est une économie politique courageuse qui maintient depuis deux siècles des valeurs d’action pour assurer un progrès social et écologique. C’est une économie qui se soucie d’abord des personnes. Elle promeut un entrepreneuriat solidaire et d’intérêt général, elle assume de produire des biens et des services à l’échelle artisanale comme industrielle dans l’économie de marché mais en considérant d’abord l’avenir de l’humanité et de la planète. C’est l’économie du socialisme libéral qui est un chemin étroit mais vertueux entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste.
L’ambition est simple : assurer le développement économique et territorial des structures de l’ESS et arrimer les entreprises conventionnelles à l’ESS. Nous devons aussi bien accroître le financement de l’ESS que mener un travail intense d’influence pour que les normes ESG et de valorisation extra-financière des entreprises classiques tendent vers celles de l’économie sociale et solidaire.
Nous devons pour cela mener un travail de fond et de temps long d’acculturation des citoyens. Le déploiement d’une culture de l’ESS est nécessaire à notre action politique et économique. Dans cette perspective, les jeunes sont pour moi une priorité : ils s’engagent, entreprennent et exigent du sens pour leur vie active. Nous devons les accompagner dans le futur qu’ils désirent. Il faut imaginer dans 10 ans, tous les lycéens des filières générale, agricole, technologique et professionnelle, tous les étudiants de BTS, de licence et de master, des grandes écoles d’ingénieur et de commerce solidement formés à l’économie sociale solidaire.
ESS et Société : Avec 10 ans de recul, que pensez-vous de la loi sur l’ESS ? Une seconde est-elle nécessaire ?
Damien Baldin : La question est : cette loi est-elle aujourd’hui un obstacle au développement de l’ESS ? Je ne le crois pas. Cette loi a eu l’immense vertu de donner de la visibilité et de la cohérence à notre économie. Elle continue de nous offrir un cadre nécessaire pour assurer l’essor de l’ESS. Alors pourquoi perdre du temps dans un contexte parlementaire qui, par ailleurs, ne me semble pas très favorable ?
Je pense, par contre, que nous devons saisir toutes les opportunités d’évolution réglementaires. Sur le statut des entreprises commerciales de l’ESS et l’agrément ESUS, nous devons par exemple gagner en cohérence et lisibilité.
ESS et Société : L’hybridation de financement par les acteurs non lucratifs et lucratifs est-elle inévitable comme le fait la fondation que vous dirigez ?
Damien Baldin : La fondation La France s’engage a, au contraire, un financement unique et très simple, comme l’immense majorité des fondations. 98% de ses produits sont issus du mécénat. Elle consacre à l’intérêt général l’intégralité de ses dépenses et ne recherche aucune forme de lucrativité dans ses actions qui s’exercent tous gratuitement au service de ses bénéficiaires.
Le sujet des modèles hybrides de financement concerne donc surtout les autres structures de l’ESS et notamment les associations. C’est d’abord une réalité historique de l’économie sociale et solidaire : les associations n’ont pas attendu les subventions publiques pour trouver des modèles de financement pérennes. Une association est par nature une structure privée qui doit assurer sa propre autonomie.
La force historique de l’économie sociale et solidaire ne vient pas de l’Etat. Elle prend sa source par la capacité de la société civile à s’organiser librement et à trouver une autonomie économique par des activités lucratives ou grâce à la générosité citoyenne.
Il revient, cependant, à l’Etat par son pouvoir législatif, réglementaire et fiscal et ses capacités d’investissement financier de faciliter l’activité économique des structures de l’ESS et leur changement d’échelle.