Projet OGM : l’esprit du Grenelle n’a pas soufflé au Sénat

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Projet OGM : l'esprit du Grenelle n'a pas soufflé au Sénat

La fédération France Nature Environnement, la Ligue pour la Protection des Oiseaux et la Fondation Nicolas Hulot déplorent la rédaction du projet de loi sur les OGM dans sa version issue des débats au Sénat.

Le projet de loi n’est pas conforme, ni au principe de précaution, ni aux conclusions du Grenelle de l’environnement.

1° Le Haut Conseil des biotechnologies : une usine à gaz

- Une scission inacceptable entre scientifiques et société civile
Il importe que les expertise des OGM soit pluraliste de manière à porter, non seulement sur le risque scientifique des OGM mais aussi sur leur intérêt. Or, aux termes du projet de loi seul le comité scientifique du Haut Conseil émet un avis sur les demandes d’autorisation, le comité de la société civile ne pouvant faire que des recommandations sur la base de l’avis scientifique. Le Sénat s’est donc opposé à une prise en compte équilibrée des questions économiques, sociales, scientifiques, pourtant actée lors du Grenelle.

Le Président du Haut Conseil devra obligatoirement être un scientifique. Quand on sait les champs de compétences auxquels le mot « science » est trop souvent restreint quand on parle des OGM, c’est un recul. Sur un sujet qui demande une vision pluridisciplinaire, qui implique de prendre en compte les questions de toxicité humaine, mais aussi environnementale, les effets généraux sur les écosystèmes, et où les citoyens demandent depuis longtemps à ce que les données scientifiques soient mesurées à l’aune de leurs choix de vie, cet amendement laisse craindre le maintien d’une vision techniciste rigide.

Le Haut conseil n’est pas compétent pour définir les critères d’évaluation du risque
C’est l’une des pires régressions du texte. Le Haut conseil est tout juste compétent pour « mettre en œuvre » des méthodes d’évaluation, qui seront donc définies par d’autres que lui…à quoi sert-il ? Les firmes OGM peuvent dormir tranquille : elles continueront à s’auto évaluer selon leurs propres critères et le rôle du Haut conseil se limitera à la lecture de leur prose.

- Le Haut conseil n’est pas compétent pour fixer les conditions de mise en culture d’OGM
Les conditions techniques supposées éviter les contaminations, ne sont définies que par le Ministère de l’Agriculture. Le Ministre de l’Ecologie et le Haut conseil n’auront qu’un rôle consultatif. Le Ministère de l’Agriculture se trouve à nouveau juge et partie, alors que l’affaire de l’ESB (la vache folle) avait montré l’inefficacité des conditions techniques censées réguler un secteur lorsqu’elles sont confiées aux autorités par ailleurs chargées du développement de ce secteur.

- Le Haut conseil a une compétence concurrencée
Sa compétence sera partagée avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ce qui ne contribue pas à une approche globale de la question des OGM.

2 : Responsabilité : la porte ouverte aux contaminations transgéniques

- Une loi de coexistence
La coexistence entre cultures OGM et non OGM est explicitement consacrée et le terme est introduit dans le titre du chapitre II de la loi. Les travaux du Grenelle avaient pourtant acté que la coexistence des culture OGM et non OGM est scientifiquement impossible.

- Des distances…de contamination
Le vœu des firmes OGM a été exaucé ! Le seuil communautaire d’étiquetage de 0, 9% devient sous la plume du sénat, un seuil de contamination. En effet, les distances autour des champs OGM « doivent permettre que la dissémination entre les cultures soit inférieure au seuil défini par la réglementation communautaire ». Désormais, toutes les cultures et récoltes non OGM pourront légalement contenir : des OGM.

- Des responsables pas coupables
Le projet de loi amendé ne prévoit que la responsabilité sans faute du seul agriculteur qui sème des OGM et non de l’ensemble des acteurs de la filière. De plus, la responsabilité de l’agriculteur OGM ne peut être recherchée qu’à des conditions très restrictives. Ainsi, la victime devra démontrer que la contamination provient d’une parcelle « située à proximité » alors même que les distances de dissémination peuvent être fort longues.

Un délit de fauchage inutile
Le projet de loi est bien plus précis s’agissant de la responsabilité des faucheurs volontaires que de celle des marchands d’OGM. Le fait de dégrader un champs d’OGM expérimentaux est sanctionné d’une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. Ce nouveau délit alourdit le code pénal et aboutit au paradoxe suivant lequel la destruction d’un champs non OGM est moins grave que celle d’un champs d’OGM.

Un préjudice très étroitement défini et des garanties financières qui ne garantissent rien
Seul le préjudice résultant de la dépréciation du prix de vente d’une récolte contaminée sera indemnisé dans un régime de responsabilité sans faute. SI l’agriculteur contaminé ne vend pas, il n’aura subi aucun préjudice. Par ailleurs, le coût de la traçabilité des produits pour s’assurer de l’absence d’OGM n’est pas indemnisé. S’agissant des garanties financières, celles ci ne devront pas couvrir tous les préjudices éventuels liés à une dissémination d’OGM mais seulement le préjudice économique précité.

- Un comité de biovigilance très surveillé
Certes, l’existence d’un comité de biovigilance est maintenue. Toutefois, celui-ci dépendra entièrement des informations que voudra bien lui fournir l’administration de l’agriculture. Il n’a aucun pouvoir de recherche d’informations sur pièce et sur place. Il n’a en réalité qu’un pouvoir de recommandation et d’alerte.

- Un registre public parcellaire des champs d’OGM : vraiment public ?
D’une manière générale, le projet de loi est peu explicite sur la nature exacte des informations sur les OGM qui pourront effectivement être communiquées au public. Seule exception : un registre qui devra permettre la localisation géographique précise des champs d’OGM. Cependant, la loi ne précise pas de quelle manière ce registre sera accessible au public.

Au final, le projet de loi sur les OGM n’est cohérent, ni avec les conclusions du Grenelle, ni avec les engagements du Président de la République : « la vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt, sur le contrôle de la dissémination et sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM ». M Borloo a également déclaré « sur les OGM tout le monde est d’accord : on ne peut pas contrôler la dissémination donc on ne va pas prendre le risque. »

France Nature Environnement, la Ligue pour la Protection des Oiseaux et la Fondation Nicolas Hulot appellent les parlementaires et le gouvernement à tenir compte des souhaits de l’immense majorité des Français de ne pas consommer d’OGM ainsi que des conclusions du Grenelle de l’environnement.

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