Planifications régionales : Pleines fréquences analogiques pour les associatives !

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Planifications régionales : Pleines fréquences analogiques pour les associatives !

Le débat essentiel sur la Radio Numérique Terrestre a fait passé au second plan l’enjeu de la planification des fréquences analogiques initié par Dominique Baudis dans le cadre de son « Plan FM 2006 ». Or cette question d’actualité est tout aussi fondamentale : les grands opérateurs de radiodiffusion s’y livrent une bataille telle que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel semble impuissant : du statut fondamental de régulateur, il passe ici au rôle de simple arbitre entre les grands réseaux. Au détriment des radios associatives et de la diversité. Le SNRL tire la sonnette d’alarme.

A cours d’une réunion de travail avec le SNRL, portant notamment sur le rôle du régulateur dans la répartition des fréquences, Michel Boyon, le nouveau président s’était déclaré très attaché au pouvoir du CSA. En s’opposant aux tentatives des « telcos » de mettre la main sur les nouvelles ressources du dividende numérique, il vient de réaffirmer courageusement ses orientations dans « Les Echos » : « quelle utilité sociale voulons-nous pour le dividende numérique ? (...) Ce sont des chances nouvelles de loisir, de découverte, d’accès à la diversité et à la création, de renforcement de l’expression culturelle française. (...) Il ne s’agit pas d’opposer un secteur à un autre, mais de définir un bénéfice social maximum dans un contexte de ressource rare. » Et le nouveau président d’insister sur la nécessaire « proximité de l’offre audiovisuelle ».

En attendant la mise en oeuvre pour la RNT de ces orientations, et des préconisations de bon sens contenues dans son « Plan d’Urgence pour le Numérique » (1), le SNRL affirme : « il en va de même pour la radiodiffusion analogique ! ». Car tel n’est pas le cas aujourd’hui.

La bataille des bateleurs sur le foirail régional des fréquences fait rage.

Le groupe indépendant NRJ (NRJ, Chérie, Nostalgie, Rire & Chansons) est en position satisfaisante du point de vue des fréquences et donc du taux d’audience. Mais la valeur du titre est mise à mal depuis une diversification aventureuse. Il est attaqué de toute part par ses challengers. C’est un nain face au groupe allemand Bertelsmann (RTL, RTL 2, Fun,) dirigé par Gérard Zeyer qui pèse plus de cinq milliards d’euros de chiffre d’affaires avec ses 38 chaînes de TV et 29 radios en Europe. Il semble toutefois craindre l’alliance de Jean-Paul Baudecroux et du Crédit Mutuel dans la téléphonie mobile. Les deux opérateurs mettent sous pression le CSA en saisissant le Président de la République et en accusant le régulateur de « favoritisme » pour les fréquences analogiques locales ! Le SNRL dit : « cette attitude n’est pas responsable. Elle est en outre inadmissible, parce que dangereuse pour l’avenir, et irrespectueuse envers les personnels du CSA et des CTR ! ». Attaqué également par le groupe Lagardère, qui vient de gagner l’utilisation du nom de marque « Virgin » pour Europe 2, Jean-Paul Baudecroux a même demandé audience au Président de la République, passant outre une décision du CSA ! Enfin, le groupe d’Alain Weil, NextradioTV, pur acteur de l’audiovisuel (RMC, BFM) galvanisé par le succès de sa chaîne TNT, lance un défi qui inquiète les autres opérateurs : le rachat du Groupe Test (01 Informatique, Micro Hebdo, et de nombreux sites web à fort potentiel publicitaire) le met en concurrence avec Skyrock, encore leader sur le terrain de l’Internet marchand. Cette stratégie n’est pas étrangère à la bataille actuelle dans l’analogique. Interrogé par « Le Revenu » Alain Weil déclare « Avec nos parcs actuels de fréquences nous avons 5 points de PDA, avec les nouvelles fréquences analogiques, on peut monter à 7 ! ». Cette concurrence effrénée dans l’analogique et la puissance supposée de ces consortiums déstabilisent le régulateur, qui semble de plus en plus sensible au lobbying de ces « tigres de papier ».

En effet, celui-ci persiste à privilégier, dans son pouvoir légitime d’attribution de la ressource, un alinéa de l’article 29 selon lequel un des critères d’éligibilité est « le financement et les perspectives d’exploitation du service », au détriment des autres critères : diversité musicale et nouveaux talents, pluralisme des courants d’expression, respect de la dignité de la personne humaine.

Une orientation contraire à la diversité culturelle et au pluralisme.

Dans un contexte de raréfaction de la ressource en milieu urbain, cette orientation a pour conséquence de maintenir et d’élargir la place des réseaux tout en tentant de trouver un peu de place pour des programmes multi villes injustement tenus à l’écart depuis quinze ans (Nova, TSF, Orient, Oui FM, FG) et de geler ou de diminuer celle des autres opérateurs. Et en premier lieu les radios associatives qui détiennent près d’un tiers des fréquences allouées au secteur privé, mais moins de 20 % en zone urbaine. Un vivier restreint, mais très convoité...

Face aux préconisations du syndicat, le CSA proclame que nul n’est propriétaire des fréquences. C’est un axiome auquel le SNRL souscrit pleinement, mais force est de constater qu’il y a des occupants privilégiés : les consortiums auxquels nul ose contester le « droit » à couverture nationale en coeur de bande.

Contrairement aux certitudes du régulateur, le SNRL dit : « cette orientation ne conduit pas à la diversité, à la proximité, au pluralisme, à une politique culturelle responsable ». En effet, les réseaux ne font pas oeuvre de diversité au sens professionnel, culturel et éducatif. Ils ne représentent pas le pluralisme, hormis celui de leurs actionnaires. Au contraire, avec des formats allant des golds au rap et avec des segmentations normalisées avec les majors de l’industrie musicale qui prescrivent l’inlassable rediffusion des mêmes titres, ils promeuvent en réalité une musique standardisée assortie des mêmes informations uniformisées, et des mêmes réclames, pour les mêmes annonceurs, au même moment de la journée !

Non, la planification analogique en région n’est pas satisfaisante !

Le 12 juillet, Alain Méar, Conseiller, Président du Groupe de Travail « Radio Analogique » au CSA, recevait Bruno Boutleux (Jeunesse Musicale de France), Dominique Pankratoff (Union Nationale des Auteurs Compositeurs) Philippe Person (Syndicat des Détaillants Spécialisés du Disque) et Hervé Rony (Syndicat National de l’Edition Phonographique). Ils protestaient, au nom de la « Filière Musicale » rassemblant 18 sociétés et groupements d’auteurs, d’interprètes et de professionnels de l’industrie du disque contre le « refus par le CSA d’accorder une pleine fréquence à Radio Néo ».

En effet, la présélection sur Paris Ile de France fait apparaître que cette associative unanimement reconnue comme participant de la diversité culturelle sur la capitale, reste confinée sur une demi fréquence, empêchant ainsi une expansion méritée, alors que d’autres opérateurs ont fait la preuve de leur inertie, de leur rôle néfaste dans le sous-développement culturel, et même de leur inaptitude à respecter les mises en demeure du CSA. D’autres radios associatives historiques telles IDFM Radio Enghien et RGB risquent de perdre les trois quarts de leurs auditeurs sur l’Ile de France par le jeu des limitations de puissance vers Paris. Dans ces dossiers, le syndicat a préconisé des aménagements équilibrés permettant à la fois l’optimisation préconisée par le CSA et l’intérêt des milliers d’auditeurs et d’élus, qui ont massivement réagi au sort de « leur radio », ce qui démontre que les radios associatives sont au coeur des territoires.

Selon le CSA, il ne peut être accordé une pleine fréquence à Radio Néo car il n’y aurait « pas de fréquence disponible ». C’est exact. Mais, comme le souligne le régulateur « nul n’est propriétaire d’une fréquence ». C’est précisément au régulateur que la puissance publique confie le droit d’autoriser ou pas l’exploitation de l’espace hertzien. C’est au CSA de permettre ou de stopper la dramatique concomitance de réseaux commerciaux pseudo concurrents. C’est au CSA d’avoir la volonté de stopper les concentrations dans l’audiovisuel. C’est au CSA d’accorder en pleine responsabilité, ou de rejeter totalement ou partiellement la demande d’un service ayant contrevenu aux articles 1, 15 et 17 de la Loi de 1986. Le syndicat des associatives estime que Néo occupe une place unique dans la diffusion musicale au profit des auteurs et interprètes négligés par les réseaux. A ce titre, Néo doit pouvoir bénéficier à Paris d’une pleine fréquence.

Une fréquence accordée en catégorie A, ce sont trois à six emplois durables !

Déjà, le SNRL avait officiellement protesté auprès du CSA à propos de la suppression d’autorisations en catégorie A à Marseille et Bordeaux et avait fait part de sa préoccupation de constater qu’une part dérisoire des fréquences nouvelles apportées par « l’optimisation » de la bande FM était dévolue aux associatives. Il avait également mis en garde contre la tentation de poursuivre « la chasse à la catégorie A » dans les zones urbaines et notamment Paris, Nice, Toulouse.

Au delà de leur fonction essentielle en faveur du pluralisme, de la diversité, et de la communication de proximité, le SNRL rappelle que les 600 associatives emploient sur tout le territoire près de trois mille salariés et que ce chiffre est à comparer aux quelques centaines d’employés des réseaux commerciaux cumulés. Il rappelle que le secteur associatif de la radiodiffusion participe à rendre les métiers de la radio attractifs selon des axes de progrès durablement négociés (2). Le SNRL rappelle au CSA que chaque fréquence accordée à un opérateur de catégorie A génère de la valeur ajoutée économique et sociale sur les territoires. Avec les vraies commerciales indépendantes, et avec des radios thématiques multi villes répondant à de vraies attentes spécifiques et culturelles, qui, dans le secteur de la radiodiffusion, peut en dire autant ?

Aujourd’hui en Bourgogne Franche-Comté, des projets d’extension sérieux tels Coloriage et Campus sont gelés. Le SNRL affirme : « cela n’est pas satisfaisant. Il est impératif de donner une opportunité à des équipes méritantes ».

Chaque nouvelle présélection confirme l’ancienne tendance : réduire la part de la catégorie A en ne lui accordant qu’une part infime des nouvelles ressources quand elles existent en zone urbaine, en gelant la situation là où elle était déjà sous dotée, en écartant généralement les nouveaux projets associatifs, sans jamais oser toucher aux « droits acquis » par les cartels. Cette orientation ne peut pas se poursuivre sans susciter interrogations, légitimes protestations, voire contentieux. L’organisation professionnelle des associatives, qui défend depuis toujours le « principe d’extension du domaine de l’économie sociale » dans l’audiovisuel, met son expertise et sa capacité de médiation reconnue au service des projets innovants et des opérateurs à valeur ajoutée culturelle et sociale pour les territoires.

Le syndicat estime urgent, pour le pays, pour la qualité de l’information et de la culture, que le régulateur rompe avec sa logique arbitrale entre les réseaux et les consortiums, fasse acte de volonté politique et revienne à une logique de souveraineté en faveur des initiatives publiques, privées et associatives, portées par des équipes de qualité, ayant la radio et l’intelligence de l’auditeur au coeur.

- (1) Tout savoir sur le « plan d’urgence pour le numérique » du SNRL : www.snrl.org, dossier « numérique » et « actualités »
- (2) Tout savoir sur la politique sociale dans la radiodiffusion : www.snrl.org, rubrique « le social » et « actualités »

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