Pour que l’aide soit efficace, les bailleurs de fonds doivent conduire Israël à changer sa politique à l’égard des Territoires palestiniens occupés
Oxford / Jerusalem / Paris - Des millions de dollars d’aide sont en train d’être perdus du fait des politiques mises en œuvre par Israël à l’égard des Territoires palestiniens occupés. Oxfam International appelle à ce que ces politiques soient mises en cause par les gouvernements donateurs, qui se réuniront lundi 17 décembre à Paris pour annoncer des engagements financiers en faveur de l’Autorité palestinienne.
Jeremy Hobbs, directeur d’Oxfam International : « L’aide ne sera pas efficace tant que les gouvernements donateurs ne demanderont pas la levée du blocus de la bande de Gaza ainsi qu’un changement rapide des restrictions de mouvement imposées par Israël dans les Territoires palestiniens occupés. De nombreux gouvernements à travers le monde font preuve de générosité financière envers les Palestiniens. Leur aide est vitale pour contribuer à construire l’économie palestinienne ainsi qu’un Etat viable. Mais les bailleurs de fonds ne critiquent pas suffisamment les politiques israéliennes, qui détruisent pourtant les projets qu’ils financent. Ils investissent une aide précieuse, sans pour autant tenir Israël responsable de ce que cette aide est de plus en plus inefficace ».
« Il ne suffit pas d’allouer davantage de fonds à la Palestine. Les gouvernements étrangers et l’Autorité palestinienne doivent augmenter la pression sur le gouvernement Israélien pour lever le blocus de Gaza et faire en sorte que les habitants de Cisjordanie puissent se rendre à leur travail. Cela est essentiel si l’on souhaite que le processus de paix d’Annapolis aboutisse. »
Les gouvernements qui vont se réunir à Paris doivent demander qu’Israël change ses politiques si l’on souhaite que l’aide contribue à construire une économie palestinienne viable. En outre, ils doivent pousser l’Autorité palestinienne à jouer son rôle pour mettre fin à l’isolement de Gaza, en faisant notamment son possible pour prévenir les attaques contre Israël.
Selon Nicolas Vercken, responsable de plaidoyer à Oxfam France – Agir ici : « En tant que pays hôte et président de la conférence de Paris, la France a une responsabilité particulière pour mettre fin au blocus de la bande de Gaza et ainsi contribuer à poser les fondements d’un processus de paix viable. »
Les exemples de projets d’assistance mis à mal par le blocus israélien et les restrictions de mouvement sont nombreux. Oxfam International remarque notamment que :
Le Programme alimentaire mondial a dépensé près d’un million de dollars en frais de transport supplémentaires pour acheminer une aide alimentaire vitale depuis Juin 2007.
L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) a dépensé 250 000 dollars de frais de transport supplémentaires pour le seul mois de juin.
Près de 40% de l’aide de la Commission européenne sert désormais à financer le transport et la manutention.
Des projets de la Banque mondiale, de l’UNRWA et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), d’un montant cumulé supérieur à 200 millions de dollars, ont été gelés.
Les projets de construction de l’UNRWA d’un montant de 93 millions de dollars sont interrompus. Ce sont près de 3 500 maisons et abris pour les réfugiés qui auraient dû être construits et ainsi bénéficier à 27 000 personnes. La construction de trois écoles et de trois centres de santé a également été suspendue.
Une aide française de 12 millions d’euros de matériaux de construction en faveur de la station d’épuration de Beit Lahia est également bloquée. Elle devrait servir à réduire la pression sur le lac qui s’est formé suite à l’incapacité à traiter les eaux usées. Le lac de Beit Lahia risque de déborder et des milliers de Palestiniens sont ainsi menacés d’être submergés par des eaux usées insalubres.
Maher al Najjar, responsable adjoint des Services d’Eau des Municipalités côtières de Gaza : “Neuf puits ne fonctionnent plus, du fait du manque de pièces détachées ou de carburant. De ce fait, ce sont 250 000 personnes qui ne reçoivent plus du tout d’eau ou à peine de quoi couvrir les besoins en eau potable. Quand il n’y a plus assez de puissance, les égouts se déversent directement dans la mer. Devrons-nous attendre une catastrophe avant que l’armée israélienne ne laisse entrer les pièces détachées ?”
Près de 80% des Palestiniens dépendent de l’aide, ce qui en fait un des peuples les plus dépendants au monde d’une assistance extérieure. Si la situation actuelle perdure, l’aide affectée aux Palestiniens lors de la Conférence de Paris échouera à construire une économie vigoureuse et un futur Etat palestinien tel que décrit dans le Plan palestinien de Réforme et de Développement, qui doit être examiné à la Conférence de Paris.
Outre l’impact sur les projets financés par l’aide internationale, les restrictions de mouvement ont coûté aux Palestiniens 8,4 milliards de dollars de recettes sur les cinq dernières années, selon la Banque mondiale. Ce chiffre inclut une perte comprise entre 2% et 3% de PNB chaque année, à cause du Mur en Cisjordanie.
Les restrictions sévères imposées par Israël sur les exportations ont eu des conséquences désastreuses sur les moyens de subsistance des fermiers à Gaza. Plus de 4 millions de fleurs et 150 tonnes de fraises destinées à l’exportation, produites avec l’aide du projet financé par le gouvernement hollandais, ont du être détruites à cause du régime de fermeture israélien. L’autorisation récente et limitée d’exportation via le passage Kerem Shalom n’est pas suffisante.
Suhaila Abu Fol, âgée de 50 ans et vivant dans le camp de réfugiés Jebalia à Gaza : “Mes enfants soutenaient la famille, mais ils ont perdu leur travail quand les usines ont fermé en juin. Aujourd’hui, nous survivons grâce à l’aide des Nations unies, alors que nous n’avons plus le moindre shekel dans la maison. C’est très difficile quand l’un de mes enfants vient me demander de l’argent alors que je n’ai rien à lui donner. »
Les légitimes préoccupations sécuritaires d’Israël n’ont pas été résolues par la mise en place du blocus de Gaza. Des restrictions sur l’aide humanitaire, c’est-à-dire la punition collective de 1,5 million de Gazaouis, n’ont pas permis d’empêcher des groupes armés palestiniens de tirer des roquettes sur Israël. Oxfam International en appelle donc aux bailleurs de fonds afin qu’ils s’assurent que de telles entraves à l’aide ne soient pas utilisées comme une arme à l’encontre des civils palestiniens.
NOTES :
1. Selon la Banque mondiale, la communauté internationale a déjà accordé 10 milliards de dollars d’aide aux Palestiniens depuis le début du processus de paix d’Oslo en 1993.
2. La CNUCED a calculé en 2007 que les pertes palestiniennes dues aux restrictions de mouvement entre 2000 et 2005 équivalaient à 8,4 milliards de dollars. L’Autorité palestinienne demande 5,6 milliards de dollars d’aide sur trois ans
3. Les points de passage de Gaza ont été ouverts de façon irrégulière depuis 2000 ; Gaza est soumise à un blocus depuis juin 2007 et la prise de pouvoir du Hamas. Israël refuse depuis d’ouvrir les passages. Israël a également procédé à des coupures d’approvisionnement en carburant depuis le 28 octobre, en réponse aux attaques de roquettes à Gaza.
4. Davantage de détails sur la crise humanitaire à Gaza et sur l’impact des restrictions de mouvement en Cisjordanie sont disponibles dans le dernier rapport d’Oxfam Ending the Impasse.