L’immense mobilisation citoyenne contre le fichier Edvige a porté ses fruits : initialement publié le 1er juillet 2008, le décret a été retiré en novembre 2008, et sa nouvelle version n’était toujours pas annoncée fin février 2009. Même sans se faire trop d’illusions sur la suite des événements, on ne peut qu’estimer cette première victoire exemplaire à plus d’un titre, en ce qu’elle a mobilisé syndicats, associations, élus et simples citoyens au-delà des cercles militants traditionnels. Ce succès est-il dû à un simple sursaut conjoncturel ou à une prise de conscience durable du fichage ?
Le dernier scandale public d’ampleur dans le domaine des fichiers date de trente-cinq ans. Il avait suivi l’annonce du projet Safari en 1974 [1], conduisant à l’adoption en France de l’une des premières lois au monde sur la protection des données personnelles, la loi Informatique et Libertés promulguée le 6 janvier 1978, et à la création de la Cnil. Pourtant, bien avant la création d’Edvige [2], les fichiers de police et les fichiers de contrôle social par d’autres administrations n’ont cessé de se multiplier. Cette inflation atteint un tel point que le rapport Bauer [3] sur les fichiers de police estime que leur nombre est passé de 34 en 2006 à 45 en 2008. Toutes administrations confondues, il ne se passe plus un jour sans que le Journal officiel n’annonce la création, par décret ou par arrêté ministériel, d’un « traitement automatisé de données personnelles ». L’analyse des différents ressorts de la mobilisation contre Edvige est donc utile pour comprendre s’il s’agit là d’un sursaut conjoncturel ou au contraire d’une prise de conscience durable du fichage, susceptible de conduire à un meilleur encadrement des fichiers de l’État par des garanties législatives nouvelles et par une vigilance citoyenne accrue.