Après avoir prôné pendant plusieurs décennies le démantèlement des organismes de régulation et la libéralisation des marchés à tout prix, les dirigeants du G20 reconnaissent enfin la nécessité de réguler les prix des matières premières agricoles.
Le commerce est de plus en plus ouvert, libéralisé, globalisé. Ce phénomène s’est accéléré ces dernières décennies, notamment dans un domaine particulièrement sensible, l’agriculture, qui fait vivre 3 milliards d’individus, dont un tiers dans des conditions précaires et de malnutrition.
De fortes inégalités selon la situation de chaque intervenant. Malgré les apparences, la hausse spectaculaire des prix des matières premières agricoles sur les marchés boursiers ne fait pas le bonheur des producteurs des pays du Sud, en particulier des agriculteurs familiaux. Bien sûr, ils arrivent ponctuellement à obtenir un prix qui couvre leurs coûts de production. Néanmoins, ils sont dans une position de plus en plus fragile pour négocier les prix de leurs produits : besoin constant de liquidités pour payer les intrants nécessaires à leurs cultures et augmentation du coût de la nourriture et de l’énergie. Nombreux sont ceux qui se retrouvent dans l’incapacité de faire vivre leur famille du revenu de leur travail.
Les intermédiaires renforcent leurs positions en proposant des prix alléchants aux produits, qu’ils proposent de payer "cash". Certains producteurs succombent à la tentation d’une vente rapide, juste avant la récolte, alors que leur trésorerie est au plus bas et qu’ils n’ont aucune visibilité sur les prix réels à la bourse. Les intermédiaires ont ensuite tout le temps de revendre, en générant de très belles marges à moindre frais, en s’alignant sur l’augmentation des prix mondiaux au moment opportun.
Dans ce contexte, de nombreuses coopératives sont fortement déstabilisées, et ont du mal à rassembler la récolte de leurs membres et honorer les commandes de leurs acheteurs. Pourtant, ces groupements d’agriculteurs familiaux ne représentent pas qu’un simple acheteur. Elles apportent des services techniques indispensables et une organisation collective apte à défendre les intérêts de leurs adhérents sur le marché.
Dans le même temps, au Nord, certains producteurs sont également confrontés au problème d’une juste rémunération leur permettant de couvrir au moins leurs coûts de production. Une forme nouvelle et complémentaire au commerce équitable voit le jour, fondée sur une "alliance vertueuse" entre producteurs du Nord et consommateurs du Nord. C’est le principe même du commerce équitable : créer un lien direct entre paysans et consommateurs, qui s’engagent dans la durée à acheter la production de ceux-ci à un prix rémunérateur.
Les pays du Sud sont-ils condamnés ? L’alternative au pessimisme dans les échanges Sud-Nord existe pourtant ! L’association Max Havelaar considère qu’il est plus que jamais urgent d’agir pour demander une régulation du commerce juste et responsable.
Depuis plus de vingt ans, l’association Max Havelaar construit un système innovant de commerce équitable où les filières sont régulées par les acteurs eux-mêmes. Aujourd’hui, il faut leur redonner une véritable place. Ce système est d’abord porté par des objectifs forts de justice et de développement. Nous proposons une solution économique concrète (et non une aumône), un réel échange valorisant producteurs du Sud ET consommateurs du Nord, (pas une redistribution de subventions), une relation vertueuse économiquement et éthiquement pour les deux parties, et non un produit à la mode assorti d’une morale de façade.
Pourquoi ne pas s’inspirer de cet exemple pour rétablir des institutions internationales de régulation, organisées par filière et fondées sur la participation des parties prenantes et plus seulement sur celle des Etats ? Dans le même esprit, et de manière complémentaire, nous soutenons également la création de politiques agricoles dans les pays du Sud, négociées avec les représentants des producteurs, et permettant la constitution et la protection de marchés régionaux.
Notre label international Fairtrade-Max Havelaar met en œuvre et promeut avec rigueur des règles contraignantes d’équité, de transparence, de promotion du modèle coopératif, de respect des droits des travailleurs et de protection de l’environnement. Le label garantit par exemple que le prix minimum fixé pour une vie décente est payé aux producteurs et qu’une prime complémentaire de développement est bien versée à leurs organisations ; de leur côté, les consommateurs, en choisissant les produits du commerce équitable, posent un acte citoyen.
Ainsi, le nouveau système économique régulé que nous promouvons et que nous pratiquons depuis vingt-cinq ans a pour ambition :
De redonner aux producteurs la place digne qu’ils méritent dans les échanges commerciaux ;
de donner plus de transparence aux consommateurs pour leur permettre de faire des choix éclairés et responsables,
Et de donner à tous les moyens de devenir acteurs de leur propre avenir.
Nous sommes convaincus que le commerce international peut être bâti sur d’autres bases. Le G20 doit impérativement prendre ses responsabilités pour impulser cette dynamique nouvelle !
Jean-Pierre Doussin, président de Max Havelaar France, et Christophe Roturier, directeur Délégué de Max Havelaar France
Fairtrade-Max havelaar n’est pas la seule organisation de commerce équitable à s’engager contre le G20 (et le G8). Artisans du Monde, réseau de boutiques associatives de commerce équitable, lance un appel : " Les peuples avant la finance " !