En s’abritant derrière des consultations citoyennes qu’il sélectionne et organise lui-même, l’État escamote les procédures et institutions démocratiques. Il y a là, selon G. Gourgues, le risque d’une dérive progressive vers une forme d’« autoritarisme participatif ».
Le 22 mars 2023, dans les tout premiers instants de sa prise de parole face aux contestations de la réforme des retraites, Emmanuel Macron a défendu la légitimité de sa réforme en affirmant qu’elle a suivi un « chemin démocratique » qui a débuté par « des mois de concertation ». Quelques minutes plus tard, après avoir affirmé que les syndicats sont légitimes mais ne proposent rien (peut-être l’ont-ils fait durant « les mois de concertation » évoqués précédemment), il signale qu’en réponse à la « colère légitime » face à l’allongement de la durée de cotisation, le gouvernement a déjà commencé à travailler sur des « sujets concrets » comme la pénibilité des fins de carrière, lors des « assises du travail » qui « n’ont pas attendu la réforme des retraites ». Sur cette question essentielle du travail, « on a commencé les assises du travail » répète-t-il un instant plus tard. Il faudra donc que les syndicats acceptent ce format de discussion, en forme de négociation à huis clos de l’aménagement de la réforme qui, elle, n’est déjà plus l’objet du débat.
La revendication d’un « chemin démocratique » par le président de la République, ponctuée par des rappels discrets mais réguliers à des dispositifs de « concertation » et de « participation », laisse perplexe, tant la conduite politique de la réforme des retraites est évidemment marquée par le choix de réduire le débat démocratique à son strict minimum. La procédure parlementaire n’a cessé d’être escamotée – passage par le projet de loi rectificatif de financement de la sécurité sociale, à la limite de la légalité, activation du « vote bloqué » au Sénat, recours final à l’article 49.3. Elle a également été traversée par un refus manifeste d’argumentation publique. Depuis l’annonce de la réforme, le pouvoir exécutif s’est contenté d’un exercice argumentatif a minima, se limitant à des assertions hasardeuses et changeantes, supportant mal les démentis réels et fondés que lui opposent les contestataires de tous horizons.