Le 15 février 2019, au cours d’une rencontre avec des élus locaux du Finistère, le Premier ministre Édouard Philippe émet l’idée de demander des « contreparties » aux citoyens qui perçoivent des aides sociales. « Je suis pour le proposer systématiquement à ceux qui le peuvent, mais pas l’imposer », a souligné de son côté Muriel Pénicaud, ministre du Travail, sur BFM TV. Entre injonction et incitation, les frontières sont parfois poreuses. Aussi, pour tenter d’analyser ces politiques de « mise au travail », nous avons rencontré la sociologue du travail Maud Simonet. Autour de deux ouvrages dont elle est l’auteure, nous avons essayé de dégager les enjeux de ces discours et de ces politiques, mais aussi de voir quelles résistances peuvent être opposées à cette nouvelle forme civique de l’exploitation.
On dit que tout travail mérite salaire. Et on observe que le salariat est l’institution majeure qui transforme une activité en travail. Pourtant, il semblerait que tout travail ne soit pas rémunéré — encore moins salarié. Toutes les activités doivent-elles êtres nommées « travail » ?
Il y a un enjeu politique à définir ces activités comme du travail. C’est un parti pris déjà ancré théoriquement. C’est ainsi que les féministes regardaient les activités domestiques — toutes ces activités faites au nom de l’amour, de la famille, de la maternité ou de la féminité, et qui participent au fonctionnement de la société, du marché du travail, du capitalisme et du patriarcat sans pour autant être reconnues comme du travail.