CONCENTRATION, diversification,
internationalisation : Tereos
a progressivement bâti un empire
capable de rivaliser avec les plus
grands sur le marché mondial du
sucre. Et ce sans abandonner son
statut coopératif.
La fébrilité de Philippe Duval,
président du directoire, toujours
prompt à un nouveau développement,
n’a certes pas toujours été
facile à suivre par ses associés coopérateurs.
Premier choc, en1992,
lorsqu’il a investi en République
tchèque.Un pays qui pourrait
concurrencer le sucre français ! Et
puis, « on allait investir mais comment
allions nous retrouver nos
billes », se souvient Jean-Charles
Lefebvre, l’un des plus anciens
associés. Mais la bonne tenue du
prix de la tonne de betterave que
Tereos versait alors à ses planteurs
a eu raison de leurs craintes. Et,
huit ans plus tard, le succès de cet
investissement les rendra plus
sereins aumomentd’investir au
Brésil, dans la canne à sucre.
La clé de cette relation de
confiance ? La règle d’or de répartition
des bénéfices édictée par Jean
Duval, le père de Philippe, à laquelle
celui-ci s’est efforcé de ne
jamais déroger en lui succédant à
la tête de la coopérative : ainsi un
tiers de la marge sert à verser un
complément de prix à la tonne de
betterave livrée, le deuxième tiers
à moderniser l’outil industriel, le
troisième à se diversifier. Contrairement
aux actions, les parts
sociales de la coopérative ne se
valorisent pas, et le capital reste
acquis à la sucrerie, de même que
les bénéfices. En échange, les planteurs
ont la garantie d’écouler
leur production à un bon prix et
bénéficient des dividendes issus
de la diversification.
Renoncer aux dividendes
Encore leur faut-il accepter de
mettre la main à la poche lorsque
la coopérative a besoin d’assurer
sa croissance externe.Ce à quoi les
planteurs ont dûse résoudre fin
2008, en pleine crise financière,
pour conforter les investissements
engagés au Brésil. En gage de l’aide
qu’étaient alors prêts à accorder
les banquiers à Tereos, ils ont ainsi
renoncé pendant trois ans à une
partie de leur complément de prix
et au versement des dividendes.
Le choix d’investir sans relâche
n’est cependant pas sans susciter
quelques grincements de dents.
Notamment parmi les planteurs
travaillant hier avec Béghin-Say
et qui ont payé, à raison de
40 euros la tonne produite, leur
intégration dans la coopérative
lors du rachat par celle-ci de l’entreprise
privée en 2002. Grégoire
Langlois-Meurinne, qui a ainsi
accepté de renoncer, pendant
cinq ans, à 5euros sur le prix de
chacune de ses 4000tonnes produites,
ne cache pas sa déception :
« Tereos avance à marche forcée à
l’international, mais nous n’avons
jamais eu de retour de cette diversification.
Notre investissement
nous échappe. »
Si les planteurs de feu Béghin-
Say n’ont encore jamais touché de
dividende, Thierry Lecomte, président
du conseil de surveillance
qui rassemble l’ensemble des
représentants des coopérateurs, a
bon espoir que ces réticences s’estompent.
En février 2012, les dividendes,
en constante hausse mais
retenus depuis trois ans, seront
versés. Et tout lemonde en bénéficiera,
M.Lecomte sait que c’est là
le gage d’une stabilité pour mener
une stratégie sur le long terme.