"Démocratisons le commerce équitable !" Par Jean-Pierre Doussin et Joaquin Muñoz
En novembre 2008, le label Fairtrade / Max Havelaar aura
vingt ans. Plus que jamais, le commerce équitable arrive à un
moment décisif de son histoire. En vingt ans, producteurs,
ONG et entreprises ont apporté la preuve qu’il était possible
de mettre le commerce au service du développement.
Les consommateurs et les citoyens reconnaissent aujourd’hui
la nécessité d’un commerce international plus juste face aux
écarts de richesse entre bénéficiaires et exclus de la mondialisation.
De 9 % en 2001, la notoriété du commerce équitable
est passée à 82 % aujourd’hui. En moyenne, un foyer sur quatre
a acheté de tels produits au cours de l’année écoulée.
Qu’elles soient marques spécialisées, marques nationales ou
marques de distributeurs, les entreprises, chacune à leur
manière, ont su répondre à cette demande, proposer une
large gamme de produits et commencer à démocratiser le
commerce équitable. Elles sont de plus en plus nombreuses à
frapper à notre porte. Quelles qu’elles soient, nous leur
demandons un engagement pérenne afin de faire vraiment la
différence au Sud.
Grâce à cela, les producteurs améliorent leurs conditions de
vie et de travail au quotidien, regroupés au sein d’organisations
performantes, démocratiques et autonomes. Les études
d’impact qui sont actuellement menées prouvent que c’est
une réalité. Les producteurs retrouvent la fierté, améliorent
leur niveau de vie et se structurent pour devenir des interlocuteurs
crédibles face au marché et face aux institutions
publiques locales. Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies
pour le changement d’échelle auquel aspirent les producteurs.
Cependant, une triste, mais éloquente coïncidence a voulu
que l’anniversaire de nos 20 ans résonne des échos des
« émeutes de la faim » qui se multiplient dans plusieurs pays
du Sud où, justement, l’intérêt des producteurs n’a pas été
pris en compte. Ces émeutes nous interpellent sur la place de
l’agriculture vivrière dans la production agricole mondiale. Il
est absolument nécessaire d’en assurer la préservation et de
lui fournir les moyens de progresser. L’apport du commerce
équitable, par le renforcement des capacités des organisations
de producteurs, joue ici, partout où il est présent, un
rôle considérable.
Ce changement d’échelle est déjà à l’oeuvre en Grande-
Bretagne où la consommation de produits équitables a bondi
de 72 % en 2007, suite à des engagements considérables de
grandes entreprises. Là-bas, plusieurs distributeurs sont en
train de basculer l’intégralité de leurs gammes en approvisionnement
équitable pour les matières premières agricoles
d’importation.
Suède, Norvège, Etats-Unis connaissent également des croissances
spectaculaires de ce nouveau type de marché qui crée
les conditions d’un développement durable au Sud (voir p.4).
Dès demain, avec l’aide des institutions publiques, des entreprises
et surtout des consommateurs, notre système de commerce
équitable labellisé peut arriver à réaliser le rêve fou
qu’eurent ses fondateurs : faire du commerce équitable une
norme internationale de défense d’une autre agriculture, plus
respectueuse de l’homme et de ses droits économiques et
sociaux.