Le logement social est marqué par des clichés qui le desservent, comme malheureusement ceux qui l’habitent. Il en va de même de l’expulsion, assimilée bien souvent à la mauvaise foi et aux troubles de jouissance.
Commençons par briser les clichés.
L’expulsion concerne essentiellement les foyers touchés par le chômage, les ruptures familiales, la maladie, bref les accidents de la vie ; le ‘reste pour vivre’, qui est le leur, ne leur permet pas ou plus, de s’acquitter totalement de leurs engagements.
La trêve a offert 5 mois de répit qui n’ont pas pour autant permis, ou trop rarement, de trouver des propositions adaptées à la vulnérabilité que l’expulsion aggravera avec les risques de délitement des liens familiaux et sociaux.
La trêve ne peut être un sommeil pour ceux qui ont la responsabilité, à commencer par nous-mêmes, d’être attentifs au respect des personnes oubliées dans les brouillards du désespoir et de l’indifférence.
La trêve n’est pas une main tendue. Elle est seulement un poing qui se desserre, autorisé à « frapper » dès la fin de la période hivernale.
L’urgence est de trouver un moratoire pour que les victimes de la dureté de la Société n’aient pas encore à subir des mesures vexatoires, tel le fait d’être regardées comme coupables d’une situation désarmante.
La sortie de la trêve pose la question du droit d’exister ; peut-il être conditionné aux ressources ?
Certes l’expulsion, lorsqu’elle est prononcée, introduit le dispositif du droit au logement opposable (DALO) mais près de 56 000 foyers qui y sont éligibles en découvrent le caractère virtuel.
D’aucuns diront que des logements sont vides dans les quartiers sensibles, mais de grâce ces territoires ont besoin d’être impérativement soutenus. N’ajoutons pas de la misère à la misère en en faisant « des réserves » pour ceux qui se trouvent en situation de graves ruptures.
Comment agir au regard de l’urgence ?
Le produit des surloyers de solidarité (110 millions €) doit être mobilisé pour que tout foyer de bonne foi se voie maintenu dans son logement. L’heure est aussi celle de s’interroger sur la garantie des risques locatifs sur l’ensemble du parc ; elle éviterait bien des drames. L’assurance ne déresponsabilise pas dès lors qu’elle couvre les risques hors du champ des situations relevant du dol ou de la mauvaise foi.
Là où les ressources ne permettent pas l’accès ou le maintien au logement, s’imposent des mesures humanitaires ; il en va de la cohésion sociale qui n’est pas une option mais un impératif pour mettre à distance les fractures meurtrières.
La fin de cette trêve met en exergue avec acuité et gravité la question du Livre de l’Humanité : « qu’as-tu fait de ton frère » ? Nous ne pouvons, ni ne voulons nous associer à la réponse du fratricide : « En suis-je le gardien » ?