Véritable serpent de mer depuis la mandature de Catherine TASCA, les projets de réforme de l’aide publique au secteur non-marchand de la radiodiffusion se sont succédés sans jamais aboutir. En 2002 un décret avait modifié celui de 1997 -en le prorogeant pour dix ans- afin de tenir compte de l’harmonisation fiscale européenne. Bien qu’aucune obligation n’imposait un nouveau décret, Renaud DONNEDIEU DE VABRES poursuivait cet objectif visant à rassurer les contributeurs et souhaitait " revoir en profondeur les règles de fonctionnement du FSER afin d’optimiser l’utilisation du fonds ". Dans ce cadre, les organisations professionnelles des radios ont été consultées tout au long de l’année 2005. Ces derniers jours, la présidente de la Commission du FSER et le Directeur du Développement des Médias, ont saisi le SNRL de leur propositions.
1. L’enjeu
Au même moment, un projet de rapport très confus - et néanmoins largement médiatisé- de la Commission des Finances du Sénat présidée par Jean ARTHUIS, préconise la remise en cause de l’aide réglementaire aux radios associatives et leur mise sous tutelle par l’attribution discrétionnaire des subventions " sur projet ".
Cette idée est abusivement basée sur un Rapport de la Cour des Comptes commandité par le Sénat en vertu de la Loi Organique sur les Lois de Finances (LOLF), qui énonce " il est apparu que le FSER avait atteint l’objectif fixé par le législateur en 1982 : les aides du FSER ont contribué à l’enrichissement du tissu des radios associatives locales, en aidant près de 600 radios en 2005, soit trois fois plus que lors de la création du fonds en 1982 (...) ". Partant, " (...) s’agissant de la régularité des opérations et des procédures (...) " la Cour des Comptes constate le " bon fonctionnement du fonds au regard de l’importante couverture géographique et territoriale des 600 radios locales au fonctionnement desquelles il contribue ". Jean PICK, Président de la 3ème chambre de la Cour, prévient "que le contrôle de l’usage des fonds ne relevait pas du mandat donné à la Cour des comptes".
Mais bizarrement, le communiqué du Sénat indique que : "La Direction du Développement des Médias des services du Premier ministre a annoncé qu’un décret serait soumis prochainement à la consultation en vue d’une réforme du FSER, sur la base des observations formulées par la Cour des comptes à l’issue de son enquête, tendant notamment à instituer des aides à projets."
C’est à juste titre que cette annonce ambiguë a provoqué l’émotion des radios associatives, et au-delà, de tous les milieux attachés à l’existence et au développement du secteur associatif de la radiodiffusion, outil incontournable du pluralisme, de l’information et de la diversité musicale.
Bien au contraire, il convient de rappeler que le législateur souhaite, aux termes de la Loi de 1986, que le secteur de la radiodiffusion non-marchande soit un élément de régulation essentiel de l’audiovisuel, acteur majeur et pérenne au coté du service public. En ce sens il a mis en place à la fois un système d’autorisation et de contrôle des radios par l’autorité indépendante de régulation, le CSA, et un mode distinct de financement public, que le monde entier nous envie.
2- Les préconisations du SNRL
Depuis 2004, les propositions du SNRL, largement discutées et amendées par les radios ont été détaillées et présentées aux institutions et au Gouvernement. Elles ont abouti à un plan syndical en vue d’un nouveau décret dont voici les principes directeurs :
1. Les aides publiques réglementaires jusqu’ici attribuées aux radios associatives doivent être confirmées en tant que telles par le décret. La majoration de la subvention de fonctionnement doit continuer à représenter au plus 60% de cette subvention et être évaluée en fonction des critères énoncés par le décret à partir du dossier présenté par la radio rendant compte de ses actions au cours de l’exercice écoulé.
2. L’enveloppe consacrée aux majorations doit être réglementairement limitée par rapport à celle dédiée aux subventions de fonctionnement. Pour éviter un glissement vers un financement " sur projets " adoubés par un exécutif distinct du CSA, le SNRL, préconise que le décret fixe le montant maximum de cette enveloppe à 25 % du budget du FSER.
3. Le fait que la Commission du FSER ait un rôle consultatif -depuis le décret modificatif de 2002- ne saurait justifier que ses missions soient réduites. Pour le SNRL, toutes les décisions prises par le ministre en application du décret doivent l’être sur proposition de la Commission, institution tripartite essentielle de concertation et d’évaluation dont personne ne conteste l’expertise. De même, les barèmes d’attribution des aides, ainsi que celui de la perception de la taxe, doivent bénéficier de cette expertise.
4. Les modalités de travail des membres de la commission et leur accès aux éléments matériels des demandes de subvention des radios doivent être élargis.
5. Le secrétariat de la commission doit disposer des moyens humains et techniques suffisants afin qu’en 2006, les retards administratifs inadmissibles subis en 2005 se résorbent.
3- Les préconisations transmises par le Président du FSER :
Le SNRL a été saisi le 14 février d’un projet de décret par Melle Isabelle LEMESLE, Président de la Commission du FSER. Certaines propositions sont positives. Elles ont recueilli l’approbation du Conseil National du syndicat, telles :
" les décrochages locaux ne sont pas regardés comme des services de radio par voie hertzienne au sens des dispositions de l’article 80 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ".
l’affirmation que " les subventions d’installation, d’exploitation et d’équipement (...) revêtent un caractère automatique ".
l’augmentation de 5 % de la subvention d’installation.
l’augmentation de 18 % de la subvention d’équipement et la possibilité qu’elle soit accordée au moyen d’une demande initiale et d’une demande complémentaire formulée seulement deux ans après. Cette demande en deux temps est adaptée à la réalité budgétaire des radios.
la confirmation des 5 critères fondant la majoration et le nouveau contenu de celui qui vise à prendre en compte les actions de formation professionnelle, et la pérennisation des emplois.
l’incompatibilité entre la fonction de membre de la commission et le fait " (d’exercer) ou de (détenir) un emploi ou des intérêts dans une entreprise entretenant des liens commerciaux avec les services de radio par voie hertzienne mentionnés à l’article 80 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée "
En revanche, certaines nouveautés sont rejetées par le SNRL :
du fait que la Commission n’est plus décisionnaire mais consultative et que certaines subventions ont un caractère automatique, ces subventions seraient attribuées par le ministre sans consultation de la commission ;
l’omission de relation entre la majoration et la subvention d’exploitation, car c’est la porte ouverte à l’augmentation sans limite des aides " sélective " au détriment de l’aide publique réglementaire ;
la limitation à 65 ans de l’âge des membres de la Commission est discriminatoire, de même que l’omission d’accorder l’indemnité compensatrice légale.
4 - Les préconisations de la DDM
Le SNRL a été saisi le 2 mars 2006 du projet de décret de la DDM, sensiblement différent du précédent, par son Directeur, Patrick RAUDE. En effet, la DDM estime à l’inverse que l’automaticité n’est pas conforme à la LOLF.
En plus, selon le communiqué du Sénat, la DDM souhaiterait "instituer des aides à projet" pour financer les radios associatives, en lieu et place du dispositif actuel. Or, selon ces termes, cette perspective serait contraire aux dispositions de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite " Loi Léotard ".
Car c’est omettre le rôle de l’autorité indépendante de régulation, à savoir le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), doté du pouvoir d’autorisation et de contrôle des programmes. C’est précisément, pour mettre en œuvre un projet radiophonique que l’article 80 dispose que les radios associatives "bénéficient d’une aide selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat". Le projet radiophonique mis en œuvre par chaque radio a été validé par le CSA et fait l’objet d’une convention contractuelle instituée par l’article 28 de la loi précitée. Les Comités Techniques Radiophoniques du CSA contrôlent le respect des conventions au plan des conditions techniques d’émission et leur contenu. Le CSA dispose de toute une panoplie de sanctions à l’encontre des opérateurs contrevenants. De plus, le CSA siège à la Commission du FSER, aux fins d’information sur chaque opérateur.
Enfin la DDM souhaite inscrire dans le décret une méthode de télé procédure. Pour le SNRL, cela ne doit pas conduire à priver les membres de la commission des documents matériels indispensables à l’exercice de leur mission d’expertise consultative.
Des avancées mais des limites à ne pas franchir
Certaines préconisations institutionnelles relèvent des préconisations syndicales et sont fidèles aux attentes des radios. Elles comportent des avancées
Mais s’il s’avérait que l’aide financière soit dirigée non plus vers la mise en œuvre du programme contractualisé avec le CSA mais pour la réalisation de "projets" labellisés par un exécutif national ou régional, alors ce " nouveau décret " violerait la lettre et l’esprit de la Loi.
En revanche, le SNRL estime que l’exécutif peut parfaitement financer des programmes et des projets sélectionnés de la manière la plus simple : selon les dispositions de l’article 80 de la Loi Léotard, les fonds consacrés aux campagnes d’intérêt général et de soutien aux actions collectives sont accessibles sans limite aux radios associatives. Or, depuis vingt ans, rien n’a été fait et ces fonds sont allouées sans limite aux... cartels de la FM ! Le SNRL préconise une mobilisation des ministères sous l’autorité de la DDM afin que les organisations professionnelles participent d’urgence aux campagnes de communication en préparation.
L’avis détaillé et motivé de l’organisation professionnelle représentative des radios a été communiqué au Ministre le 8 mars 2006 et étudié le 9 mars à la DDM avec Patrick RAUDE, Emmanuelle BENSIMON, Sous Directrice à la Communication Audiovisuelle et Pierre-Olivier COSTA, Chef du Bureau des Industries de Programmes, au cours d’une réunion de travail avec Emmanuel BOUTTERIN, Président du SNRL. Le syndicat a également fait un certain nombre d’observations conformes à sa feuille de route à Isabelle LEMESLE. Il a saisi le Ministre dans la mesure ou toute rupture de l’équilibre instauré par la Loi mettrait en cause les fonctions et les prérogatives du CSA au détriment des opérateurs.
Le SNRL, reçu le 15 mars au Ministère de la Culture et de la Communication, rappellera ses objectifs dans un esprit constructif. Il sera reçu le 23 mars à la Commission des Finances du Sénat. Il s’agit de mettre un terme aux velléités confuses et contradictoires de certains, peu conformes avec la réalité des radios, la Loi et les intérêts de notre pays, et notamment la rupture de l’équilibre entre les secteurs marchand et non lucratif par l’introduction de celui-ci sur le marché publicitaire !
S’il s’avérait que l’arbitrage ministériel ne puisse satisfaire aux intérêts bien compris des parties, il rappellera le cas échéant au 1er Ministre qu’il est toujours possible de maintenir le statut quo.
En 2006, un décret remettant en cause la Loi de 1986 dans sa lettre et son esprit ne pourrait être accepté ni par les radios associatives, ni par l’opinion publique très attachée à la liberté d’information et au pluralisme.
Retrouvez le Décret du FSER, l’environnement juridique des radios, le plan détaillé du SNRL pour un nouveau FSER, l’analyse des effets de la LOLF sur le " programme média " de la Loi de Finances 2006, le rapport intégral de l’audition de la Cour des Comptes au Sénat sur www.snrl.org