Eco-compatibles Solidarité, bio et bobos

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Eco-compatibles Solidarité, bio et bobos

Sous une serre rafistolée, des femmes et des
hommes emmitouflés s’activent. C’est
vendredi, l’hiver joue les prolongations, il fait
froid. Pas le temps de lambiner, ni de se
plaindre, le camion attend son chargement de
paniers de légumes bios hebdomadaires. On a
beau avoir des consomm’acteurs comme
clients, ils attendent leurs victuailles pour le
week-end, comme les autres. Une radio d’une
autre époque accompagne cette agitation et
déverse son flot quotidien d’actualités :
émeute de la faim à Haïti, tsunami au Japon, le
Maghreb dans la rue, mariage princier en vue,
grève des supporters au PSG…et les grands
groupes du CAC 40 annoncent des résultats
records… Publicité.

En contemplant cette scène, il me revient en
tête une discussion animée avec des
participants à un colloque qui se posaient la
question de savoir, si l’engagement du Réseau
Cocagne dans le développement durable
n’était pas un « truc » trop bobos/intello, loin
des préoccupations du terrain ?

Plutôt que de fournir de grandes explications
j’aurais rêvé qu’un cinéaste capte et visionne
cette scène ou se juxtapose quotidien d’un
jardin et nouvelles de la planète. Avec pour
simple commentaire : vous pensez toujours
que produire un peu de solidarité et quelques
légumes bios n’a rien à voir avec le reste du
monde ?

Le développement durable (les
développements durables devrions-nous dire,
tant le concept est parfois galvaudé et
transformé en poudre aux yeux) n’est pas un
petit paramètre que l’on prend en compte
quand on a considéré tous les autres, c’est une
imprégnation transversale de tous nos choix.

Cela s’apparente à un tamis : chaque choix
public et privé doit passer à travers.
Il n’y a guère de doute sur ce qui se trame
devant nous, la preuve en est qu’on ne trouve
plus d’interlocuteur quel que soit son niveau,
sa sphère, ses opinions politiques, qui oppose
de vrais arguments à nos inquiétudes sociales,
environnementales, économiques…
Individuellement, tout le monde est d’accord,
mais collectivement quasi rien ne bouge.
Hypocrite, fainéant, effrayé par l’ampleur de la
tâche, parce que c’est lourd et complexe,
beaucoup préfèrent …oublier.

Bossuet déjà constatait il y a longtemps que
nous étions des créatures étonnantes qui nous
affligions des effets dont nous continuions à
adorer les causes et même les encouragions.
Et bien, quelques uns ont décidé d’épouser
cette cause du développement durable, un
travail de fourmis avec ce qu’ils sont, à
l’endroit où ils sont, sans céder au fatalisme
ambiant, ni faire semblant de ne rien voir.
Passer de la pensée globale à l’agir local en
devenant des petits poucets du
développement.

« Parce que ça ne peut plus durer, parce qu’il
faut durer », proclamons nous régulièrement à
Cocagne !

Envisager nos métiers, à travers une logique
de développement durable, nous semble une
idée qui ne peut que conforter nos pratiques
sociales, économiques et environnementales,
en resituant leur juste place dans un débat
mondial qui se généralise. Comme le dit
l’économiste René Passet, « une croissance qui
s’accompagne d’une déculturation, d’une
exclusion sociale et d’une spoliation des milieux
naturels n’est pas un développement ».
L’enjeu est d’inventer un développement
durable qui soit le nôtre, avec les valeurs qui
ont toujours prévalu dans les Jardins de
Cocagne, en faisant le pari que nous
trouverons dans cette voie de nouvelles
pratiques, de nouveaux partenariats, l’envie
de continuer, en contribuant à un monde plus
équitable, sur un terre toujours habitable.
Rien de plus cohérent quand on cultive
solidarité et qualité, que de penser et d’agir
durable.

Le premier jardin de Cocagne, a été créé en
1991 à Besançon. Rapidement, ce modèle de
chantier d’insertion, qui favorise l’insertion des
personnes par la production de paniers de
légumes biologiques vendus à des adhérents consommateurs,
a fait des émules. Il y avait
45 jardins d’insertion en France fin 1999,
quand le Réseau Cocagne a été fondé afin de
les fédérer. Il réunit aujourd’hui 109 jardins,
tous spécialisés dans l’IAE et dans la
productionmaraîchère biologique.

Ses membres sont des associations ou des
ensembliers qui réunissent, outre les jardins,
des lieux d’accueil et des entreprises
d’insertion. 20 000 adhérents-consommateurs
versent une cotisation annuelle à ses
structures, qui en reversent une partie au
Réseau. Les Jardins de Cocagne permettent aux
3500 jardiniers-maraîchers de se reconstruire,
et de ré-envisager leur avenir dans un cadre
convivial de plein air, mais surtout dans une
exploitation maraîchère professionnelle et
exigeante.

Essaimer, animer, professionnaliser,
communiquer…

Le Réseau accompagne et soutient les
nouveaux projets de jardins d’insertion.
30 projets sont accompagnés par an, pour
une durée moyenne de 24 mois, permettant
l’ouverture de dix nouveaux jardins, en
proposant une nouvelle offre d’insertion sur le
territoire et en répondant à l’attente des
consommateurs.

Le Réseau aide également à consolider les
jardins existants grâce à une offre de services
et conseils, et organise de multiples
formations en direction des équipes
d’encadrement. Il a aussi développé une
démarche qualité participative en
développement durable, visant à aider les
jardins à perfectionner leur méthodologie. Le
Réseau travaille en outre à développer les liens
entre les jardins : parrainage, montage de
dossier financier en commun, convention de
partenariat avec de nombreuses fondations
d’entreprises, forum annuel à thème,
rencontres de jardiniers, clubs d’entreprises
partenaires…

Le Réseau a aussi développé Fleurs de Cocagne
qui produit, confectionne et distribue des
bouquets de fleurs biologiques, locales et
solidaires : il a été expérimenté au sein du
jardin Semailles à Avignon et va être dupliqué
en 2011.

A travers son label "Cocagne Innovation« , le
Réseau fédère aujourd’hui d’autres initiatives
dans L’IAE, en lien avec l’environnement. Il a
repris aussi le concept "Planète Sésame" et
développe des restaurants d’insertion soucieux
d’environnement.

Enfin, il expérimente des lieux de vie et de
travail, pour répondre aux besoins
d’hébergement et de mise au travail des
publics les plus désocialisés.

Le Réseau s’inscrit aussi dans la mise en place
du Synesi (Syndicat National des Employeurs
Spécifiques d’Insertion), du développement de
l’agriculture biologique avec le secteur
professionnel, et de l’entreprenariat social avec
le Mouvement des entrepreneurs sociaux et le
Labo-ess.

Tous les commentaires

29-05-2011 par Bout Thomas

Bravo Jean-Guy pour ce joli texte. Amicalement,
Thomas (ton éditeur)

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