« Qui veut me racheter ? », avait lancé Xavier Leproust sur le ton de la plaisanterie au festival des Vieilles Charrues en 2006. Pensant jeter une bouteille à la mer, il ne s’attendait pas à ce que Robert Salou le prenne au mot. Les deux hommes s’étaient rencontrés à plusieurs reprises lors de réunions de brasseurs ou de fêtes organisées dans la région. Mais de là à imaginer que M. Salou, 58 ans, rebondirait sur cette idée lancée à la légère, il y avait un cap. Pourtant, un mois plus tard, le cogérant et fondateur de la brasserie Tri Martolod annonçait à M. Leproust sa volonté de le racheter : « On en a parlé avec l’équipe, ça nous intéresse que tu intègres la SCOP, que tu gardes tes spécificités, ta brasserie, et que tu nous rejoignes, parce qu’on fait un complément de gamme. » Au-delà du produit, c’est une complémentarité de savoir, mais également de caractère, que les deux hommes n’ont pas tardé à s’apporter.
Plus solitaire et réservé, M. Leproust, 48 ans, était à la tête de la brasserie An Alarc’h à La Feuillée (Finistère), où « l’eau de source est exceptionnelle ». En activité en son nom propre depuis 1998, il produit des bières épaisses de type anglais, là où Tri Martolod propose une pils bretonne traditionnelle – blonde plus légère, de basse fermentation ni filtrée ni pasteurisée. A cette époque, M. Leproust venait de licencier son seul salarié faute de pouvoir le payer. M. Salou, lui, avait créé son entreprise dès son origine, en 1999, sous forme de société coopérative et participative (SCOP), à Bénodet (Finistère). Et il n’en était d’ailleurs pas à sa première SCOP. Blessé à la suite d’une chute en 1994, alors qu’il était gérant d’un bistrot, il avait décidé de constituer une SCOP avec ses collègues pour permettre le maintien de l’activité.