Charte

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Charte

Inspirés par cette observation formulée en 1919 Par R. Steiner et par la tradition de l’économie sociale, les fondateurs de la Nef (Nouvelle Economie Fraternelle), d’abord dans le cadre d’une association (1979), puis dans celui de la Société Financière Coopérative de la Nef (1988) - selon un cheminement qui s’est trouvé parallèle avec les réseaux d’économie sociale et solidaire - se sont donnés pour but de contribuer à la naissance et au développement d’initiatives culturelles, sociales et économiques utiles pour la société. Ils ont choisi de le faire en s’exerçant eux-mêmes à une coopération fondée en particulier sur la mobilisation et la circulation de l’argent dans des conditions de complète transparence. Ils ont défini ainsi l’objet de la Société Financière (article 2 des statuts) :

"La Société Financière a pour objet d’organiser et de développer, dans un esprit de fraternité et à des fins d’utilité sociale, les relations entre les membres, personnes physiques ou morales, en rendant plus consciente la circulation de l’argent, notamment par la gestion de leur épargne, et le moyen de prêts-relais, prêts à court, moyen et long terme, prises de participation et cautionnements".

Aujourd’hui, tous les sociétaires de la Nef, les porteurs de capital, les membres du personnel de l’entreprise, les déposants, les emprunteurs et les cautionneurs forment une communauté ouverte. Chacun s’y engage et agit en vue d’apprendre à réaliser avec les autres l’objet de la Société.

Les valeurs fondatrices

La liberté d’esprit et l’égard pour la personne humaine

Tout choix de nature religieuse, philosophique ou politique relève de la stricte liberté individuelle. La Nef respecte cette liberté entre ses membres, ce qui implique naturellement le respect des opinions et des engagements personnels de chacun. Néanmoins, les sociétaires se reconnaissent dans un certain nombre de valeurs de caractère humaniste qui inspirent la présente charte.

Chaque personne est reconnue pour sa richesse d’expérience, d’espoir et de potentialités, exprimant des intentions et des besoins. L’égard pour la personne humaine et l’attention qu’on lui porte sont, dans la culture de la Nef, le premier pas de la relation.

L’argent qui relie les personnes

L’action de nature bancaire de la Nef vise à ce que l’argent relie visiblement les personnes qui à un moment donné en ont, sous forme d’épargne ou de capital, et celles qui à un moment donné en ont besoin pour réaliser leur projet. La Nef veut que ce soit précisément ce lien, par la conscience de sa valeur et par la responsabilité qu’il entraîne, qui soit le facteur déterminant d’une architecture sociale saine et solidaire. Des liens d’une nature analogue sont établis lors de la mise en place de cercles de personnes apportant leur caution à un emprunteur pour que l’octroi d’un prêt soit possible.

Les crédits et la responsabilité sociale

Les fonds déposés à la Nef sont utilisés pour consentir des crédits à des projets réellement utiles qui contribuent à un développement économique durable, dans un esprit de solidarité, par exemple dans les domaines suivants : insertion sociale, agriculture, écologie, art et culture, innovations techniques, santé, logement social, commerce équitable. La Nef n’a pas pour objet l’enrichissement personnel.

En cas d’excédent de ressources par rapport à la masse des crédits distribués, la Nef recourt à des placements de trésorerie, après avoir fait tout son possible pour augmenter le volume des prêts. La Nef veille à ce que lesdits placements soient compatibles avec ses valeurs.

La circulation transparente de l’argent

Chaque sociétaire de la Nef doit "voir" où va son argent, chaque emprunteur savoir d’où vient l’argent qu’on lui prête.

Les ressources de la Nef proviennent en totalité de l’épargne et du capital de ses membres sans aucun recours aux marchés financiers.

Comme toute société coopérative, la Nef se conforme aux obligations statutaires de communication de ses comptes à ses sociétaires, mais elle va au-delà en publiant chaque année la liste complète des prêts qu’elle a accordés avec les noms des bénéficiaires, la raison de l’intervention et le montant. Les sociétaires peuvent ainsi vérifier l’adéquation entre les intentions exprimées et les réalisations.

Le professionnalisme

La Nef se conforme pleinement aux exigences des règles et obligations de la profession, et aux recommandations qui peuvent résulter des contrôles effectués par la Caisse Centrale de Crédit Coopératif à laquelle elle est affiliée. Son équipe dirigeante et son Conseil sont soucieux d’approfondir les relations avec le Crédit Coopératif et également de tisser des liens de coopération avec des institutions et des réseaux dont les compétences sont complémentaires de la sienne dans des domaines tels que le conseil, la garantie, le capital-risque, l’assurance. La Nef coopère aussi avec des organismes bancaires ayant des finalités analogues aux siennes dans plusieurs pays d’Europe.

Les moyens d’action

Le capital

Le capital est l’expression concrète de la participation des sociétaires à la construction, à la croissance et aux risques de l’institution ; il est dans sa nature d’être immobilisé pendant assez longtemps. Il n’a pas été souscrit dans le but de recevoir des dividendes. Cependant, l’attribution d’un intérêt limité aux parts de capital n’est pas exclue si les résultats dégagés ont d’abord permis de constituer les réserves et provisions nécessaires et de rémunérer l’épargne tout en faisant bénéficier les emprunteurs de taux d’intérêt modérés. Les souscripteurs du capital, en permettant à la Nef d’exister et de réaliser son activité bancaire dans un esprit de partage, accomplissent un acte véritable de coopération.

L’épargne

Elle est la manifestation de la volonté des titulaires de comptes à terme, de livrets et de compte-chèques de participer effectivement par cet argent, qui émane de leur propre destin, à la réalisation de projets qui vont marquer d’autres destins. Il est légitime que les épargnants expriment leurs intentions en ce qui concerne l’usage qui sera fait de leur épargne, tout en laissant à la Nef la marge de manœuvre indispensable à sa mission médiatrice. Le niveau du taux d’intérêt de l’argent déposé dans les comptes à terme est fixé par les épargnants eux-mêmes (dans la limite du maximum compatible avec la bonne gestion de l’institution) ; ils arbitrent entre leurs propres besoins et l’avantage qu’ils veulent procurer aux emprunteurs. L’esprit de solidarité trouve là aussi son expression. L’épargne ne court pas de risque, son intégrité est protégée par la prudence de la gestion de la Société financière et, en dernier recours, par le dispositif réglementaire de sécurité interbancaire.

Les prêts

Ils constituent d’un côté l’aboutissement d’un cheminement : rencontres personnelles avec le demandeur permettant d’apprécier sa personnalité et ses motivations ; examen technique et financier du projet pouvant donner lieu à des ajustements ; rassemblement des éléments de la garantie, souscription au capital de la Nef… De l’autre côté, les prêts sont le viatique pour un voyage plus ou moins long durant lequel l’emprunteur, quels que soient les imprévus et les vicissitudes de l’entreprise, doit se sentir pleinement "relié" à la Nef et conscient d’appartenir à une communauté qui lui a fait confiance.

La garantie

Elle exprime le fait que tout prêt comporte des risques et que la communauté que constitue la Nef ne peut en aucune façon supporter l’addition des risques liée aux nombreux prêts accordés. Ainsi, la garantie particulière de chaque prêt consiste-t-elle à faire supporter le risque à chaque fois par un dispositif spécifique mis en place pour le besoin de chaque nouveau prêt. La Nef marque sa préférence pour que ce soit à chaque fois une petite communauté humaine consciente et fraternelle qui assure la couverture du risque. Cette forme de garantie peut cependant être complétée dans certains cas par des fonds de garantie spécialisés ou bien par des garanties dites "réelles" telles que des hypothèques. Mais même dans ce dernier cas, la présence d’un cercle de personnes entourant l’emprunteur et signant des cautions limitées à une fraction de la somme empruntée forme le ciment de la construction sociale que constitue pour la Nef toute décision de prêt.

Le don

C’est la forme que peut prendre l’argent quand il est "libéré" du cycle économique afin qu’il permette l’accomplissement d’actes qui ne relèvent pas de l’économie mais sont, par exemple, de nature éducative ou culturelle. C’est ainsi par le don principalement (mais aussi par le bénévolat) que l’on peut supporter certains coûts engendrés par l’accompagnement des créateurs de petites entreprises ou de porteurs d’initiatives diverses. Le don est donc très complémentaire du crédit.

Le renoncement que les sociétaires de la Nef peuvent faire en ce qui concerne la rémunération de leur capital et de leur épargne (soit qu’ils acceptent de ne pas recevoir de dividende ou d’intérêt, soit qu’ils offrent une partie de celui-ci à des associations) constitue une contribution très importante à la réalisation des buts de la Nef.

Pour référence

Le texte de la présente charte doit être considéré comme l’expression des intentions éthiques et de l’expérience pratique des personnes qui ont fait de la Nef ce qu’elle est devenue. Dans le souci de la clarté et de la continuité, ce texte veut constituer une référence pour toute personne désireuse d’agir dans la Nef.

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